La Smart City version Jean-Luc Moudenc : pourquoi l'opposition municipale n'y croit pas

Toulouse, en pointe sur la Smart City ? C'est la volonté affichée par Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, qui a annoncé en décembre 2015 un objectif d'investissement public de 500 millions d'euros d'ici à 2020 pour faire de Toulouse une ville intelligente. Mais dans les rangs de l'opposition, on dénonce un "coup de com'" et une démarche "sans cohérence".

La Smart City est un des thèmes majeurs du mandat de Jean-Luc Moudenc depuis deux ans. Toulouse Métropole affiche en effet cinq grandes ambitions en matière de ville intelligente : "une mobilité plus simple et fluide", "une ville adaptable, efficiente et respirable", "une métropole internationale et ancrée dans ses racines", "une ville du bien-vivre, encore plus chaleureuse et intergénérationnelle", et "une ville plus belle, propre et sûre".

Autant d'idées que la collectivité souhaite concrétiser à travers la mise en œuvre de quinze premiers "grands chantiers". Parmi ceux-ci, la mise en place d'une data plateforme autour des données publiques ouvertes, la création d'une dizaine de hubs multimodaux, le développement d'un observatoire urbain environnemental, ou encore le déploiement d'un éclairage public intelligent, la rénovation des trottoirs et la création de dix quartiers intergénérationnels pilotes en cinq ans.

Le jeudi 18 février 2016, le schéma directeur définissant cette démarche Smart City a été voté en Conseil de communauté de Toulouse Métropole. Mais l'opposition s'est abstenue.

"Nous avons fait le choix de ne pas voter contre afin de ne pas donner la sensation de vouloir bloquer le projet, tout en soulignant qu'il n'était clairement pas à la hauteur des enjeux", explique le conseiller municipal et métropolitain Romain Cujives (PS).

"Le compte n'y est pas"

Pour l'ancien maire de Toulouse, le socialiste Pierre Cohen, la démarche Smart City présentée par Jean-Luc Moudenc ne présente "aucune originalité" : "c'est une agrégation de projets qui existaient déjà, le compte n'y est pas", estime-t-il.

"Bien sûr qu'il faut travailler sur les transports et le numérique", concède la conseillère municipale PS Isabelle Hardy, "mais quelle est la valeur ajoutée par rapport à d'autres villes ? Jean-Luc Moudenc nous promet une Smart City à la toulousaine, mais c'est uniquement de la communication, de jolis prospectus sans rien derrière."

"Manque de substance"

Difficile de s'opposer à une démarche Smart City qui se veut moderne, reconnaît Romain Cujives, qui dénonce néanmoins sur son blog "le flou" qui entoure le projet municipal :

"Alors que la baisse des subventions culturelles est systématiquement justifiée par la contrainte budgétaire, dans le même temps combien de dizaines ou de centaines de milliers d'euros ont été dépensées depuis deux ans pour parvenir à cette seule délibération qui ne saurait emporter ni une adhésion béate, ni une totale désapprobation, tant son contenu n'est constitué que de principes, certes louables, mais en manque de substance."

Des avancées doivent être reconnues, admet pourtant l'élu : "une place importante semble être réservée à un volet expérimentation dans la ville. Permettre aux entreprises innovantes et aux startups toulousaines d'éprouver leurs solutions et prototypes en leur ouvrant les portes de la métropole ou en utilisant le levier de la commande publique, faciliter les expérimentations à grande échelle, constitue un facteur d'efficacité économique et un formidable accélérateur de projets et d'innovation pour les entreprises. L'initiative est d'autant plus louable que le coût assumé par la collectivité pour la mise en place de ce dispositif est faible."

Et Romain Cujives d'ajouter : "Si l'idée est belle, elle ne semble concerner qu'une petite poignée de projets et ne suffit donc pas à rendre ce schéma à la hauteur des enjeux de notre temps."

La Cantine au Quai des Savoirs, une mauvaise idée ?

Afin d'affirmer Toulouse comme une métropole "numérique", la municipalité a annoncé en 2015 le déménagement de La Cantine (le bâtiment totem de la French Tech toulousaine) au Quai des Savoirs, qui a été inauguré il y a un mois. Un déménagement qui devrait être effectué d'ici à la fin du printemps et qui placera ce lieu de coworking au cœur du "quartier des sciences" de Toulouse, allées Jules Guesde.

"C'est encore un coup médiatique", peste l'ancien maire Pierre Cohen, qui est à l'origine du Quai des Savoirs :

"Le Quai n'a pas vocation à être un lieu de développement économique. Ce n'est pas un lieu d'accueil de pépinières d'entreprises. En plus, cela va réduire la surface utile de La Cantine, qui va passer de 1 200 m2 à 250 m2."

Manque de concertation ?

Enfin, malgré une coconstruction de French Tech Toulouse avec le Sicoval, Romain Cujives critique le manque de concertation de Toulouse Métropole avec les autres acteurs du territoire :

"Ce projet semble ignorer l'écosystème qui l'habite en négligeant des acteurs aussi importants que sont la Région, l'État ou encore les communautés d'agglomération voisines, pourtant pionnières, à l'image du Sicoval. Cette propension à vouloir agir et penser seul se retrouve dans le choix des partenaires, un choix qui s'opère au profit de grands industriels, et ce, au détriment des acteurs du quotidien de l'innovation comme La Mêlée, Digital Place ou le Fab Lab".

Cette analyse n'est pas partagée par le ministère de l'Environnement, qui dans un rapport de mars 2016 (intitulé Villes intelligentes, smart, agiles : enjeux et stratégies de collectivités françaises) pointe justement le processus de concertation engagé à Toulouse :

"Toulouse Open Métropole, Stratégie Smart City 2015-2020 a été élaboré par la métropole avec l'appui de consultants extérieurs et suivant une démarche collaborative. La feuille de route a été établie à partir d'un travail auprès des élus, des services de la métropole et des instances paramunicipales (autorité de transport, agence d'urbanisme, aménageurs... ), mais aussi auprès des acteurs économiques qui ont fait remonter des contributions et ont participé à une journée d'intelligence collective. Plus de 350 citoyens ont contribué à l'élaboration de cette stratégie via une e-consultation sur le site internet et les réseaux sociaux de la métropole, des séminaires entreprises-partenaires et citoyens et enfin des focus groupes organisés avec le Laboratoire des usages autour de thématiques telles que la mobilité, l'énergie et la Silver Économie."

À noter néanmoins que ce rapport a été écrit sur la base d'interviews des responsables Smart City de chacune des villes étudiées.

Enfin, Toulouse Métropole fait partie des 31 projets retenus le 4 février dernier dans le cadre du second appel à projet de l'État pour le programme d'investissements d'avenir "ville de demain". Le secteur "plaine campus" (avec notamment la Zac Toulouse Montaudran Aerospace, le projet urbain Hers Malepère Marcaissonne et le campus universitaire de Rangueil), le centre-ville et la Cartoucherie sont directement concernés par cette subvention globale de 5 millions d'euros.

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