La troisième ligne de métro à Toulouse : l'imposture

Le personnel politique de l'agglomération a retrouvé l'un de ses terrains d'affrontement favori, les transports en commun et plus précisément le prolongement de la ligne B du métro jusqu'à Labege Innopole pour assurer la desserte du sud-est toulousain (PLB). Par Christian Lavigne, premier vice-président de Tisséo de 1977 à 2014, et ancien maire de Labège.
Christian Lavigne, premier vice-président de Tisseo de 1977 à 2014, ancien maire de Labège, souhaite le prolongement de la ligne B jusqu'à Labège

Six ans après (2009/2015), la même bataille s'engage apparemment, sauf que... Sauf que, depuis 6 ans, le projet du PLB a rattrapé son retard, a franchi toutes les étapes de confirmation et de consolidation et est prêt à être réalisé pour une mise en service en 2020.

Positionnements politiques surprenants

Le ballet des positionnements politiques se déploie, plus ou moins surprenant, plein d'arrières pensées politiciennes et de règlements de comptes.

Dans le genre "front renversé", on notera l'étonnant revirement de Jean-Luc Moudenc, fidèle supporter du PLB depuis 2001 et qui s'apprête à l'abandonner pour une proposition hypothétique, sinon chimérique.

Répondant à cela, en face, le PS affiche une belle unanimité pro-PLB, effaçant bien vite de féroces oppositions passées. Pour autant, on notera l'assourdissant silence des socialistes de Toulouse Métropole...

Les Vert, quant à eux, comme à leur habitude, tentent d'exister dans le débat en s'identifiant à des propositions variantes mais hélas incohérentes du point de vue fonctionnel et d'une organisation optimale des transports.

La course à la position la plus "branchée" va jusqu'à amener un ancien conseiller politique PS d'un éphémère président de Tisséo, dont la connaissance très approximative du dossier n'a d'égale que la volonté de régler des comptes politiques internes, à promouvoir son opinion.

Du point de vue du comportement politique, tout ceci est médiocre et quelque peu désespérant quant à l'avenir d'une gouvernance raisonnée de l'agglomération.

Jean-Luc Moudenc déclarait à propos de ce débat "qu'il fallait se poser les bonnes questions". On ne peut qu'être d'accord, sauf que... Sauf que les questions qui se posent concernent d'abord le projet de 3e ligne de métro !

 Les points forts, les points faibles

Pertinence / efficacité :

Pour le PLB, cela semble acquis et incontesté.

Pour la 3e ligne ? Au-delà de l'intérêt que l'on doit porter à tout nouveau projet de transport en commun, on est dans l'attente d'analyses et d'études précises et fiables en particulier sur la partie Matabiau / sud-est toulousain, où il y a redondance avec le ferroviaire.

Soulignons au passage que la desserte du sud-est toulousain par la 3e ligne, outre le fait qu'elle ne répond pas aux attentes des usagers et aux tendances constatées de la mobilité, ne fera faire aucune économie, car on retrouvera le même linéaire de métro, le même nombre de stations. Au contraire, ce devrait être plus cher, simplement parce que décalé de 15 ans dans le temps !

Coût :

Pour le PLB, il est connu et confirmé : 392 millions d'euros (euros 2014).

Pour la 3e ligne ? Nous n'en sommes qu'à des évaluations statistiques, sans aucune base technique et concrète. À ce stade, on fluctue entre 1,7 milliards et 2 milliards d'euros, les avis les plus professionnels se situant autour de la fourchette haute.

Financement :

Pour le PLB, il est acquis avec les participations de l'État, de la Région, et du Département.

Pour la 3e ligne ? Nous sommes là dans l'incertitude et le flou le plus total. Pas la moindre esquisse crédible face aux dures réalités : endettement de Tisséo, diminution programmée des ressources des collectivités, rejet par la Cour des Comptes du partenariat public /privé. Ajoutons, et ce n'est pas un détail, que l'abandon du PLB, ce sera entre 16 et 20 millions d'euros dépensés en pure perte, et 20 millions d'euros du financement "Grenelle" de l'État perdus.

Délais et mise en service :

Pour le PLB, mise en service dans 5 ans, si les travaux commencent immédiatement après la DUP, ce qui était prévu.

Pour la 3e ligne : Jean-Luc Moudenc commence à renoncer à son "2024" tant cette date était fantaisiste. Les voix les plus autorisées avançaient 2028 à condition que tout se passe de façon optimale (financement compris) et ce ne pourrait être qu'une mise en service partielle.

Bref, nous savons que ce ne sera pas 2024 comme annoncé mais nous ne savons pas quand ce sera ! Vers 2030 ? Comme d'ailleurs semble-t-il la LGV ...

Appréhender le futur

Bien sûr ! Et c'est ce qu'avaient fait ceux - dont vous étiez Jean-Luc Moudenc - qui en 2001 demandaient que la ligne B ne s'arrête pas à Ramonville, ceux, les mêmes ou à peu près, qui en 2003 estimaient que le réseau de métro devait être prolongé à ses quatre extrémités pour pénétrer et irriguer plus avant la première couronne.

Qu'en est il advenu au travers des jeux politiciens de l'agglo ?

Bien sûr ! Appréhender le futur commande de prendre en considération les idées nouvelles en matière de transports en commun, comme pourquoi pas le projet de 3e ligne. Mais cela ne peut se faire, pour être efficace en regard des besoins des usagers citoyens, que dans le cadre d'une réflexion globale et prospective qui devrait respecter au moins deux principes :

- s'appuyer sur une approche intégrée et transversale et non pas focalisée sur un seul investissement.

- prendre à son compte les projets engagés et compatibles avec l'objectif visé.

Oui, notre agglomération a le devoir d'imaginer, si possible de manière consensuelle, un schéma de mobilité urbaine à échéance de 2030, voire au-delà. Le projet de 3e ligne peut y trouver sa place avec d'autres à cette échéance, mais cela n'enlève en rien la pertinence et la nécessité de poursuivre les réalisations engagées à l'échéance de 2020 comme le PLB ou le passage à 52 m de certaines stations.

Prétendre aujourd'hui de tout miser sur un projet de 3e ligne si peu élaboré, à horizon de 15 ans au mieux, et sacrifier pour cela les investissements prévus à court terme, attendus des usagers, confirmés techniquement et financièrement, est tout simplement une imposture ! Une imposture technique et une imposture politique.

Alors la vraie bonne question est : pourquoi Jean-Luc Moudenc s'apprête-t-il à commettre un acte qui stigmatisera pour longtemps son action et son image et qui déjà engage l'alternance de 2020 ?

Entre le bal masqué des positionnements politiciens et l'imposture technico-politique qui se dessine, l'intérêt des usagers, des citoyens, parviendra-t-il à s'imposer ?

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Commentaires 4
à écrit le 25/03/2015 à 10:22
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Bonjour Si vous avez enlevez mon commentaire c'est qu'il devait géner certaines personnes . avec ce comportement (idem la depeche ) le FN MONTE et c'est une grave erreur de votre part .Sachez que la majorité pour ne pas dire la quasi totalité des...

à écrit le 23/03/2015 à 18:01
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Bonjour Vous etes les premiers à avoir l'honnèteté de donner le bon prix soit 392 M d'euros (valeur actuelle) donc par rapport aux 141 tisseo 141 SICOVAL et 80 du conseil général ,il manque 30 M !!! Qui va payer ? TISSEO 141 + 30 =171 M Ensuite l...

le 25/03/2015 à 11:04
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Pourriez-vous nous contacter sur l'adresse de la rédaction ? [email protected]

à écrit le 19/03/2015 à 15:40
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Contrairement à ce qui est affirmé, les écologistes du Sud-Est toulousain défendent depuis 2004 le prolongement en métro de la ligne B du métro. Cette position a été réaffirmée lors des élections cantonales de 2011, en rappelant la nécessité de rabat...

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