Industrie du futur : que doivent changer les entreprises de l'aéronautique ?

À quoi ressemblera l'unité de production aéronautique de demain ? La question était au cœur des débats, hier 19 novembre, à l'occasion de la 3e édition des Trophées de l'Aéronautique, organisée à Toulouse par La Tribune-Objectif News. Retour sur une soirée placée sous le signe de l'industrie 4.0.
Table ronde Industrie du futur, robotisation, fabrication additive, entreprise libérée : les nouveaux défis de l'aéronautique.
Table ronde "Industrie du futur, robotisation, fabrication additive, entreprise libérée : les nouveaux défis de l'aéronautique". (Crédits : Rémi Benoit)

"Au moment où nous parlons de l'usine du futur, il ne faut pas oublier que la force de notre filière aéronautique est avant tout celle des hommes et des femmes qui l'animent au quotidien." C'est par ces mots que Christian Cornille, vice-président d'Airbus Helicopters, a lancé hier 19 novembre la 3e édition des Trophées de l'Aéronautique. Cet événement, organisé par La Tribune-Objectif News en partenariat avec La Tribune et La Tribune-Objectif Aquitaine, et sous le parrainage de Toulouse Business School, a rassemblé plus de 400 décideurs à l'Espace Cobalt, à Toulouse.

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L'espace Cobalt à Toulouse ©Photo Rémi Benoit

Grand témoin de la soirée, Christian Cornille a appelé l'ensemble des membres de la filière, et en particulier les représentants de la supply chain, à initier deux grandes transformations.

"Il est nécessaire d'acquérir une véritable maturité industrielle, martèle-t-il. L'aéronautique ne l'a pas encore fait à ce jour. Nous avons tous des difficultés à livrer nos produits. Quand je rencontre un fournisseur, je m'aperçois que son taux de ponctualité est de 98 % lorsqu'il s'agit d'Airbus et de seulement 80 % pour ses autres clients. Mais tous les clients devraient être importants ! Il faut que nos process soient plus robustes. Nous ne devons pas être en situation de gérer l'urgence en permanence."

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Christian Cornille ©Rémi Benoit

Autre transformation à opérer, selon le vice-président d'Airbus Helicopters : la digitalisation des unités de production.

"Pensez-vous que nos opérateurs puissent continuer à travailler dans les ateliers avec des blocs de papier, alors qu'ils utilisent des tablettes dans leur vie de tous les jours ? s'interroge-t-il. Il y a une révolution à faire. Il ne faut pas manquer ce train-là !"

Pour l'industriel, ces deux grands chantiers doivent absolument être menés de front. "Notre industrie a une chance inouïe, avec des carnets de commande remplis pour les années à venir, estime-t-il. Nous avons tout le temps devant nous. Sachons l'utiliser pour opérer cette révolution absolument indispensable !"

Les défis de la numérisation

Cette révolution a justement été au cœur des débats lors de la soirée, qui a débuté avec une table ronde sur le thème : "Industrie du futur, robotisation, fabrication additive, entreprise libérée : les nouveaux défis de l'aéronautique".

Tahar Melliti est ainsi revenu sur l'association qu'il dirige depuis cet été, l'Alliance pour l'Industrie du futur.

"Notre objectif est ambitieux : il s'agit de fédérer, d'accélérer et de transformer l'industrie, explique-t-il. D'une part, nous devons rattraper le retard accumulé par les outils industriels français. Cela ne concerne pas directement le secteur aéronautique, qui est un peu un cas particulier dans notre pays. Mais certaines filières se trouvent face à un véritable déficit de modernisation de leurs outils de production."

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Table ronde sur l'industrie du futur ©photo Rémi Benoit

Autre enjeu : la digitalisation. "La France a manqué le train de la robotisation, regrette-t-il. Nous devons aller bien au-delà, en misant sur la digitalisation des outils productifs." Pour Tahar Melitti, l'industrie du futur n'existe pas en soi.

"C'est vous, industriels, qui la définissez et la construisez pas à pas !", assure-t-il.

"Une usine plus connectée, plus numérique et plus libérée"

Un appel entendu par Nicolas Bonleux, directeur général de Liebherr Aerospace & Transportation, qui a justement initié une démarche de type "industrie du futur" depuis plusieurs années.

"Notre groupe, à actionnariat familial, se base sur une logique industrielle de long terme, explique-t-il. La qualité et la fiabilité de nos produits sont les éléments les plus importants pour nous. Nous réfléchissons depuis très longtemps à la façon d'accompagner les grands défis de l'industrie aéronautique. Nous avons ainsi investi très massivement dans nos usines du futur, plus de 70 millions d'euros chaque année."

Sa vision de l'usine du futur ? "Elle est à la fois plus numérique, plus connectée et plus 'libérée', avec une approche novatrice, participative, du pilotage de la qualité".

De son côté, Corinne d'Agrain, présidente du directoire d'Irdi Gestion, entend accompagner les industriels dans leur processus d'innovation.

"Les sous-traitants de la filière aéronautique se posent de plus en plus la question d'investir davantage dans des projets de robotisation, constate-t-elle. Aujourd'hui, tout le monde a les yeux rivés sur la révolution de la digitalisation".

"Replacer l'homme au cœur de l'usine"

Autre point de vue, celui de Gilbert Casamatta, président de l'IRT Saint-Exupéry, qui développe actuellement une plateforme technologique mutualisée sur la fabrication additive.

"Sur ce marché, la France doit rattraper le temps perdu, assure-t-il. Beaucoup d'industriels sont encore méfiants. Mais ils veulent y aller tout de même, par peur de passer à côté de quelque chose d'important !"

Même si, l'homme le concède, concernant cette technologie, des questions restent encore en suspens : "Les pièces fabriquées seront-elles durables dans le temps ? Seront-elles plus vulnérables à la copie ? Feront-elles face à des problématiques de certification ?"

Jérémie Pedros, directeur de la société Actemium Toulouse Robotique & Automation, a évoqué quant à lui les enjeux liés à la robotique, notamment dans l'aéronautique. Avec une idée centrale : "replacer l'Homme au cœur de l'usine". Pour le dirigeant de cette filiale de Vinci Énergies, "on a parfois tendance à opposer l'homme et la machine. C'est une erreur. L'un des enjeux de l'industrie 4.0 est justement de replacer l'Homme au centre de la prise de décision. On peut très vite faire le raccourci du robot qui détruit l'emploi. Mais la réalité est beaucoup plus vertueuse. La robotisation rend notre industrie plus productive. Elle permet d'aborder les process et la maîtrise des outils de production dans une dynamique de maturité industrielle".

Un avis partagé par Martin Malvy, président du conseil régional de Midi-Pyrénées : "Je suis frappé par le retard que notre pays a pris en matière de robotisation". Et d'ajouter : "C'est ne pas robotiser qui a tué l'emploi !".

La soirée a par ailleurs été l'occasion de distinguer sept entreprises de la supply chain aéronautique française.

Retrouvez ici le diaporama de cette soirée !

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Commentaire 1
à écrit le 21/11/2015 à 16:02
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Bonjour, de bien belles réunions ,la réalité : ils ont tués le rêve et la grandeur aéronautique,transformé en chaîne automobile la fabrication,payé 10 euros. De plus le management brutal a tué toutes prises d initiatives,ce milieu devient malsain. ...

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