Bientôt un cluster des fintechs à Toulouse  ?

Réglementation, fiscalité, financement, écosystème innovant... Plusieurs facteurs peuvent attirer ou permettre l'émergence des fintechs sur un territoire. La France a-t-elle des atouts ? Toulouse peut-elle devenir une place forte des fintechs ? Lors du Forum Fintech Innovation organisé le 22 mars par La Tribune Toulouse, plusieurs acteurs du secteur ont donné des éléments de réponse et évoqué la création d'un cluster.

Pour les fintechs comme pour toutes les startups, l'argent est le nerf de la guerre. Portées par la révolution numérique, ces startups qui bouleversent l'industrie financière et bancaire grâce au digital ont parfois des difficultés à se financer. Pour Mathieu Hamel, cofondateur de la plateforme de conseil financier Marie Quantier, qui vient de lever 1,5 million d'euros, le financement ressemble à un "parcours du combattant".

"Dans l'amorçage des startups, tout le monde a recours aux business angels. Et pour les attirer, il faut une relation interpersonnelle. Le problème, c'est que les riches Français ne sont plus en France", regrette-t-il.

Un constat partagé par tous. Laurent Soucaze-Suberbielle, avocat spécialisé en droit des sociétés et droit financier au cabinet Loyve, ajoute : "Faire entrer des investisseurs en capital-risque ou des fonds de grands groupes, cela sert lors des premier ou second tours de table. Mais il manque l'intermédiaire."

Stéphanie Savel, présidente de la plateforme d'equity crowdfunding toulousaine Wiseed, regrette elle aussi ce manque d'investissement dans les entreprises innovantes.

"Il pourrait y avoir énormément de pépites et de licornes en France. De l'argent est investi dans la création de startups mais pas dans leur développement."

Des difficultés de financement qui expliquent selon elle "la très forte volonté politique de soutenir le crowdfunding" (la France a été le 1er pays d'Europe à proposer une législation sur le crowdfunding). Elle se montre par ailleurs "très dubitative sur les venture capitals (VC)" :

"Total a investi 10 millions d'euros dans deux startups californiennes. Ils n'en ont pas trouvé en France ?" s'interroge-t-elle.

Une problématique à laquelle Pierre d'Agrain souhaite apporter des solutions. Avec la création de Toulouse Place Financière, dont il est le président, il souhaite en effet "réunir les experts du financement de haut de bilan et de l'entreprise. Nous chassons les entreprises innovantes, quels que soient les secteurs."

Au-delà de ces difficultés de financement, les contraintes fiscales auxquelles sont soumises les sociétés sont un poids supplémentaire pour les fintechs. Ancien trader à Londres, Mathieu Hamel explique les avantages de la City pour les entreprises innovantes.

"Si les entrepreneurs vont à Londres, c'est avant tout pour des raisons fiscales, car les talents sont français. D'ailleurs, les meilleurs ingénieurs financiers et développeurs sont souvent français."

Valoriser les talents

Cette qualité de la formation française est également vantée par Anton Bielakoff, directeur général de Lyra Network. "Les talents, on les a, mais ils partent trop souvent à l'étranger", souligne-t-il. Spécialisée dans la sécurisation des flux monétiques entre les terminaux de paiement et les banques, la société toulousaine a des besoins importants au niveau informatique. Mais, selon lui, les meilleurs profils ne s'orientent pas vers les startups.

"Ici, à Toulouse, quand vous cherchez des ingénieurs informatiques, si Airbus a des besoins, vous n'en trouvez plus beaucoup", remarque-t-il, insistant sur la nécessité de "redorer la filière informatique". "Avant, l'Insa diplômait 200 informaticiens par an. Aujourd'hui, une centaine seulement et beaucoup sont attirés par la finance à Londres."

Christophe Nicot, directeur général de l'agence de développement économique Madeeli, souligne lui aussi l'excellence de la formation en France, et notamment dans la région toulousaine. "En région, il y a de la matière grise régulièrement disponible. Mais, dans les écoles d'ingénieurs, un tiers de la promotion est embauché à l'avance par des acteurs étrangers car les salaires sont deux fois supérieurs à la France."

Il met cependant en évidence les lacunes françaises dans certains domaines."Aujourd'hui, les jeunes sortent très souvent avec un double diplôme. Mais une des faiblesses de la formation, c'est dans le domaine du droit, notamment pour les ingénieurs." Un problème quand on sait que la réglementation est de plus en plus complexe, notamment dans le domaine des fintechs.

La France, pionnière de la réglementation des fintechs

Dès 2014, la France s'est dotée d'une législation concernant le secteur des fintechs. Une initiative saluée par tous, Stéphanie Savel soulignant les difficultés rencontrées par Wiseed lors de ses débuts en 2008, du fait de l'absence de réglementation. Aujourd'hui, cette réglementation est plutôt un atout qu'un handicap.

"Cette réglementation a été un accélérateur d'activité. Elle a permis de gagner la confiance des utilisateurs", détaille la présidente de Wiseed.

Alors que certaines banques mettent en avant une réglementation favorisant les fintechs, les acteurs de ce nouveau modèle s'en défendent. Laurent Soucaze-Suberbielle espère que "si l'Union européenne se positionne, elle le fera sur le modèle français".

De son côté, Mathieu Hamel, indique qu'il y a eu "de nombreux échanges avec l'Autorité des marchés financiers (AMF), qui est plutôt bienveillante vis-à-vis de l'innovation". Il espère cependant "que l'Europe régule ce marché car le lobby bancaire sur les outils de régulation est très puissant".

Bientôt un cluster toulousain des fintech ?

Forte de ses atouts, la France se positionne comme un territoire propice au développement des fintechs. "Nous avons tout ce qu'il faut pour être un pôle d'excellence. Aujourd'hui, il faut investir", insiste Mathieu Hamel, cofondateur de la startup Marie Quantier.

Pour Anton Bielkaoff, l'écosystème toulousain "est en train de bouger. J'applaudis des deux mains mais ce n'est pas encore organisé. Il faut structurer tout cela."  Un appel entendu par Christophe Nicot, directeur général de Madeeli. "Dans notre territoire, il y a un vrai potentiel à créer de la connaissance. Il faut mieux associer l'ensemble les producteurs de connaissance pour convaincre les investisseurs de venir sur le marché", suggère-t-il.

"On n'est pas loin d'avoir la masse critique. Après, tout dépend de la définition des fintechs. Aujourd'hui, de plus en plus d'entreprises sont déjà des fintechs et d'autres sont en train de le devenir, comme Soventi ou Hospitalidé. Il y a une prise de conscience de l'importance des fintechs. Sous quel modèle ? Un cluster à part entière ? Des axes stratégiques au sein des autres clusters ?"

Si rien n'est encore défini, Pierre d'Agrain souhaite s'associer à cette structuration, car les fintechs sont le cœur de cible de Toulouse Place Financière (TPF). "Nous pouvons héberger des acteurs des fintechs et pourquoi pas faire de TPF un lieu de rencontres entre banques et fintechs. La création d'un cluster permettrait de trouver des financements et de structurer une filière. TPF pourrait être un partenaire de ce cluster."

Christophe Nicot de conclure : "Il faut retravailler l'attractivité de notre territoire. Nous avons beaucoup d'atouts. Mais aujourd'hui, la question est : Comment on attire les différents financeurs possibles ?" L'éternelle question du financement, élément essentiel à la croissance des entreprises.

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Commentaire 1
à écrit le 23/03/2016 à 19:20
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Cluster des fintech ? Soit on parle tout en anglais, est on est le Times, soit on parle tout en français, en France. Surtout dans le titre ! .... Je déteste ces mélanges soit disant "in"... Quelle ratatouille ! Désormais, je ne ferai plus aucun co...

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