Médias : faut-il vraiment une télé locale pour remplacer TLT ?

L'arrêt de TLT en juillet 2015 a marqué les Toulousains et mis au jour l'absence de modèle économique des télés locales. Les producteurs de films toulousains regrettent l'absence d'un média qui faisait vivre la filière mais, concrètement, le public n'était plus au rendez-vous. Alors que le CSA pourrait lancer un appel d'offres au printemps prochain pour la reprise de cette fréquence, une question se pose : qui et quoi pour remplacer TLT ?

Faut-il vraiment une télé locale à Toulouse ? La chaîne historique TLT a fermé en juillet dernier, faute de moyens (mais aussi d'audience), laissant une filière audiovisuelle désœuvrée. Qui va reprendre la fréquence laissée vacante, et surtout, pour en faire quoi ? Faut-il une télévision "Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?" Doit-on encore accorder des financements publics à une télévision peu regardée ? Quelle place faire au web ? Qu'attend vraiment le public ?

Ces questions (épineuses et pour le moment sans réponse) étaient au cœur de la table ronde "L'avenir de la télévision locale et régionale dans le contexte de la fusion des régions" organisée le 17 février dernier par les étudiants du master 2 Droit des médias et de la communication de l'université Toulouse 1 Capitole.

Serge Regourd, professeur à l'université (et depuis nommé président de la commission Culture au Conseil régional), a mené le débat, entouré de Pascal Bonnet, membre de l'Association des producteurs indépendants audiovisuels de Midi-Pyrénées, Flore Iborra, chargée de mission au CTA (antenne locale du CSA), et Emmanuel Schwartzenberg, ancien PDG de TLT.

Faire vivre une filière

L'arrêt de TLT a marqué un sérieux coup d'arrêt pour la filière audiovisuelle locale. La chaîne finançait en effet un nombre important de documentaires destinés à son programme "Case d'Oc". "Avec la disparition de TLT, nous avons perdu un partenaire essentiel", assure Pascal Bonnet (société Les Films du Sud).

"TLT finançait environ 20 films par an et a permis à de jeunes auteurs et réalisateurs de faire leurs armes. Cet arrêt nous fait très mal, d'autant plus que TLT faisait vivre une filière : un intermittent toulousain pouvait travailler 150 jours par an sur un film, cela représente un levier économique important."

Le producteur espère non seulement qu'une nouvelle chaîne locale verra le jour, mais surtout qu'elle nouera des partenariats avec les producteurs locaux "pour relancer la production". Toulouse dispose en effet d'une filière audiovisuelle peu visible mais dotée de beaucoup de compétences (techniciens, maquilleurs, diffuseurs, producteurs, etc.). "Les producteurs font partie d'une filière qui existe en Midi-Pyrénées et qu'il faut faire vivre : avec l'Esav et la Cinémathèque notamment, il y a une vraie légitimité à penser en termes de formation, de production et de diffusion."

Mais une télé locale ne peut légitimement exister et perdurer dans le seul but de faire vivre une filière locale. "On parle d'emplois, de faire vivre les acteurs régionaux du secteur audiovisuel. D'accord. Mais quid des téléspectateurs ? Que veulent-ils voir ? N'est-ce pas là l'essentiel ?", fait remarquer Pierre Esplugas, adjoint à la Mairie de Toulouse (et présent dans le public lors de la table ronde).

Qualité ou audience ? L'éternel débat

"Le public veut de l'information locale, du sport local et de la culture locale", résume Flore Iborra, membre du CTA, l'organe qui sera en charge d'étudier les dossiers de candidatures pour la reprise de la fréquence. Des critères que remplissait déjà TLT et qui - l'expérience le montre - ne permettent pas, à eux seuls, de garantir le succès.

"Finalement, qui décide des contenus ? On voit bien que les jeunes trouvent les médias locaux désuets. Quand on leur parle de TLT ou même de La Dépêche du Midi, ils sourient. Comment créer du lien entre une chaîne et son public ? Comment savoir ce que veulent vraiment regarder les gens ?", s'interroge Emmanuel Schwartzenberg, ancien PDG de TLT, qui avoue à l'assistance "la difficulté d'être présent devant le public" alors qu'il "n'a pas réussi a empêcher l'échec de TLT".

Pour Serge Regourd, la question est complexe et relève du grand débat sur l'"exception culturelle française" : "Doit-on continuer à financer des films et documentaires que personne ne regarde ? Faut-il vraiment investir autant de financements publics pour une activité minoritaire ?" À sa propre question, il apporte une réponse nuancée :

"D'un côté, je pense que certains documentaires financés avec les deniers publics sont beaucoup trop élitistes et nombrilistes, et que nous ferions des économies en payant au réalisateur une bonne thérapie. D'un autre côté, je n'oublie pas que l'exception culturelle françaises (que tout le monde revendique) a un coût : quand on parle d'info et de culture, on ne fonctionne pas sur un marché classique, et donc on ne finance pas que les blockbusters. Sinon, il n'y aurait que Guillaume Musso et Marc Levy en librairies. C'est une question de société."

Pascal Bonnet, quant à lui, se prononce en faveur d'une plateforme internet en complément de la chaîne, pour intégrer "l'importance croissante du replay" chez les utilisateurs.

"Bien réfléchir" au modèle économique

Échaudé par l'agonie, puis la fermeture de TLT, Emmanuel Schwartzenberg prévient :

"Il va bien falloir réfléchir au modèle économique de la future chaîne. Elle devra avoir les reins solides et ne pas sombrer au bout de deux ou trois ans. Une fréquence disponible peut aiguiser l'appétit de plusieurs repreneurs. Il faudra vérifier leur solidité."

Qui financera cette chaîne ? Nul ne le sait encore. "Ce qui est sûr, c'est que la grande région ne voudra pas financer une télé qui n'émet que sur Toulouse", soulève l'ancien PDG. La future chaîne pourrait donc émettre sur toute la grande région, ou bien proposer des décrochages locaux sur Toulouse, Montpellier et les autres villes moyennes qui participeraient ainsi à son financement.

"Je rappelle que le budget de TLT sur un an (environ 2 millions d'euros) était équivalent au budget de certains festivals de spectacle vivant qui ne duraient que 10 jours. Il va falloir faire des choix un niveau des financements publics", pointe Serge Regourd, qui ajoute qu'"il n'y a encore aujourd'hui aucun modèle de télé locale privée qui marche en France".

En tant que président de la commission Culture au Conseil régional, ce dernier ne cache pas ses affinités pour le cinéma et l'audiovisuel en général. Va-t-il plaider pour que la Région débloque une enveloppe conséquente au service d'une nouvelle chaîne de télé locale ? Trop tôt pour le dire.

Quoi qu'il en soit, le modèle économique du futur repreneur sera donc déterminant pour l'après TLT. "Pour générer de l'audience, la chaîne aura besoin de communiquer au maximum via de l'affichage, de la publicité. Cela demande beaucoup d'investissements. Il faudra clarifier ces investissements avant de choisir le candidat", précise Flore Iborra, sans néanmoins préciser quels seront précisément les critères de cet appel d'offres.

Calendrier du CSA

Différentes dates sont évoquées concernant le calendrier à venir. Selon plusieurs sources, l'appel d'offres du CSA pour trouver un repreneur sur la fréquence laissée vacante par TLT pourrait être lancé dès le printemps prochain. Le choix du repreneur pourrait être annoncé à l'été, pour une diffusion à partir d'octobre 2016. Selon la Mairie de Toulouse, ce timing serait "farfelu". Une rencontre entre le cabinet de Jean-Luc Moudenc et le CSA est prévue début mars.

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Commentaire 1
à écrit le 03/03/2016 à 14:42
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Le sujet est tellement mal abordé. Si vous posez comme postulat de départ que TLT serait remplacée à l’identique, c’est-à-dire construite sur un modèle qui date des années 90. Bien sûr non ! , mais ce serait ignorer tout ce que les années 2000 ont a...

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