AppliColis veut redonner le pouvoir aux livreurs à vélo

À Toulouse, deux anciens coursiers à vélo montent une société de livraison sous forme de coopérative. À l'opposé du modèle développé par les autres plateformes comme Deliveroo, AppliColis veut reverser la majorité des bénéfices dans la société et faire en sorte que les livreurs prennent part aux décisions stratégiques de l'entreprise. Applicolis va également tester le logiciel CoopCycle pour permettre aux coursiers de signaler les routes les plus dangereuses.
Applicolis est hébergé au Lak'Oïkos à Toulouse.

L'été dernier, Vincent Monteil a travaillé pendant un mois comme coursier à vélo pour Take it Easy : il ne sera jamais payé. La plateforme de livraison a mis la clé sous la porte au mois d'août 2016 laissant des centaines de livreurs et de restaurateurs impayés. Ce diplômé de la Toulouse Business School (TBS) se souvient aussi de la compétition poussée à l'extrême avec ses collègues : "Le mardi à 14h pile, tout le monde se ruait pour s'inscrire sur le planning. Le site ramait, si tu avais une mauvaise connexion internet ou que tu te connectais quelques minutes plus tard, tu récupérais les pires créneaux".

Passée cette mauvaise expérience, il décide de monter avec Florent Fournier (ex-coursier également) sa propre société de livraison mais sur un modèle différent des mastodontes du secteur à l'instar de Deliveroo ou Uber eats : AppliColis est aujourd'hui une association mais a vocation à devenir une société coopérative.

"Chaque livreur y prendra des parts sociales. Les décisions stratégiques seront prises sur le modèle 1 personne = 1 voix. La coopérative reversera la majorité des bénéfices dans l'outil de travail et les parts sociales ne pourront pas prendre de la valeur ou être revendues à quelqu'un", décrit Vincent Monteil.

De quoi éviter que la priorité de la structure soit uniquement la recherche infinie de profits et une valorisation toujours plus importante auprès des investisseurs (sept ans après son lancement, Uber vaut 50 milliards de dollars mais n'est toujours pas rentable), ou des baisses de tarifs abruptes pour les livreurs. Preuve que le concept séduit : déjà une quarantaine de livreurs travaillent pour AppliColis. Les fondateurs doivent même refuser des candidatures. "Limiter le nombre de coursiers permet également de limiter la précarité du métier. Nous préférons avoir 40 livreurs qui travaillent au moins 4 heures par jour que 200 livreurs qui battent pour quelques heures de travail dans seulement 10 restaurants", affirme le cofondateur d'AppliColis. Ce nouveau venu assure des livraisons entre transporteurs et commerçants locaux (imprimeurs, fleuristes), des restaurants et leurs clients, mais les livreurs à vélo transportent aussi pour de grandes enseignes comme Carrefour les courses alimentaires des personnes âgées.

Avec CoopCycle, un algorithme pour améliorer les conditions de travail des livreurs

Au cours du mois de septembre, AppliColis va expérimenter auprès de quatre restaurants toulousains la plateforme CoopCycle. Mise au point par deux anciens membres du mouvement Nuit Debout, ce logiciel open source sera disponible uniquement pour les organisations à but lucratif ou les sociétés coopératives. La plateforme est assez similaire à celle utilisée les autres sociétés de livraison comme Deliveroo, à la différence que l'algorithme est modélisé pour améliorer les conditions de travail des coursiers:

"Par exemple, sur des plateformes comme Deliveroo, l'algorithme calcule le trajet le plus rapide d'un point A à un point B que le livreur peut emprunter mais sans prendre en compte la dangerosité des routes. À terme, nous voulons que sur Coopcycle, les livreurs puissent signaler un incident ou un danger sur la route afin que cela soit pris en compte dans l'itinéraire et ainsi éviter les accidents du travail", explique Kevin Poperl, cofondateur de CoopCycle et par ailleurs économiste au sein de l'Iris (Institut de relations internationales et stratégiques).

CoopCycle veut à son tour monter sa coopérative de livreurs en 2018. Elle considère que ce type d'initiative devrait être un bien commun et relever d'"un service public du numérique" supporté par l'État .

"Historiquement, l'État et les services publics se substituaient à l'économie de marché pour faire face à ses défaillances. Ainsi, les télécommunications, les transports, la santé ou l'éducation ont été portés par la puissance publique. Depuis les années 80, sous prétexte de manque de financements et de compétitivité, l'État abandonne peu à peu son rôle, explique CoopCycle dans un blog diffusé sur Médiapart.

Toutefois, notre démarche prouve que cet argument financier ne tient pas dans l'économie numérique. Nous, une dizaine d'individus lambda, pouvons développer sur notre temps libre une plateforme numérique équivalente à celle de géants de la foodtech. Une fois ce coût fixe de développement assumé, les pouvoirs publics peuvent porter cette plateforme coopérative et la proposer à leurs citoyens ubérisés sans débourser aucun frais de production ou de gestion afin d'améliorer leurs conditions de travail".

AppliColis veut nouer des partenariats avec d'autres coopératives ou collectifs de livreurs à Bordeaux et Nantes pour étendre ses services au-delà de la Ville rose. Hébergée au sein de Momentum, l'accélérateur du Lak'Oïkos à Toulouse, la future coopérative espère par ailleurs lever en novembre prochain plus de 100 000 euros.

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