À Toulouse, la télé locale TLT risque la liquidation judiciaire début mars

Que va devenir TLT ? La chaîne de télé locale, créée à Toulouse sous le mandat de Dominique Baudis, est à l’agonie, dans l’incapacité de payer ses dettes et même son loyer. Le 6 mars prochain, le Tribunal de commerce de Toulouse pourrait prononcer sa liquidation. En attendant, la Mairie cherche activement un repreneur. État des lieux de ce dossier économique… et politique.

La situation de TLT est pour le moins préoccupante. La chaîne de télé locale, sous le coup d'un plan de continuation (procédure judiciaire qui doit lui permettre de régler ses dettes au fur et à mesure chaque mois) sera une nouvelle fois l'objet d'une audience devant le Tribunal de commerce de Toulouse le 6 mars prochain. Cette audience, qui devait avoir lieu en novembre, avait été repoussée pour laisser une chance à TLT de remonter la pente. Mais, cette fois, la liquidation pourrait bien être prononcée.

La Mairie a baissé ses subventions

TLT vit en grande partie grâce aux subventions qu'elle reçoit dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens (COM). Ainsi, la Mairie de Toulouse a reconduit au printemps dernier le COM qui la lie à TLT et s'est engagée à verser 2,1 M€ sur trois ans à partir de mi-2014 (moins que les années précédentes). TLT va donc percevoir en 2015 la somme de 700 000 euros. Idem en 2016. En revanche l'enveloppe baisse à 300 000 euros en 2017.

"Oui, nous avons diminué l'aide financière, assume Antoine Grézaud, le directeur de cabinet de Jean-Luc Moudenc (qui connaît bien le dossier pour avoir été le directeur de cabinet de Dominique Baudis quand ce dernier était président du CSA), mais la question se pose à nous, comme à la Région : TLT peut-elle fonctionner quasi exclusivement avec de l'argent public ?"

Toulouse Métropole n'a pas encore renouvelé son COM

Une question qui se pose aussi au sein de Toulouse Métropole, dont le COM a pris fin en décembre 2014 et n'a, à ce jour, pas été renouvelé (son montant : 400 000 €) . "La proposition de COM doit d'abord être instruite par les commissions Culture et Finance de la métropole", affirme Antoine Grézaud, et une proposition sera faite prochainement à Emmanuel Schwartzenberg, le président de la chaîne. C'est Sacha Briand, vice-président de Toulouse Métropole en charge des Finances, qui décidera du montant de cette subvention si son renouvellement est acté.

Une aide financière qui risque d'arriver un peu tard. "Il faut que nous soyons assurés avant l'audience du 6 mars afin de compter sur une trésorerie nous permettant d'assurer la poursuite de l'activité au-delà de cette date", rappelle Emmanuel Schwartzenberg.

"Ce n'est pas aussi simple qu'en Mairie, tempère Antoine Grezaud. En Mairie le renouvellement du COM a été voté à l'unanimité. À la métropole, rien ne dit que les maires de Cugnaux, Tournefeuille, Saint-Orens, ou Saint-Jory par exemple voudront financer une télé 'toulousaine'."

Emmanuel Schwartzenberg a demandé à Toulouse Métropole une enveloppe de 600 000 euros.

Le Conseil régional attend

La question des subventions se posera également pour le Conseil régional de Midi-Pyrénées, dont le COM (450 000 euros) se terminera en juillet prochain. Certains détracteurs de Martin Malvy pointent directement sa responsabilité : "Martin Malvy ayant décidé de ne pas se représenter aux régionales, il y a de fortes chances qu'il ne reconduise pas le COM de la Région avec TLT dans 5 mois", soufflent-ils.

Les collectivités se renvoient la balle

De son côté, le président du Conseil Régional s'interroge sur la stratégie à adopter, mais surtout sur celle... du Capitole. Dans une lettre adressée à Jean-Luc Moudenc le 14 novembre dernier, Martin Malvy le questionne sur ses intentions au sujet de la chaîne (dont le principal actionnaire est la Mairie, via la Sem CTV). Il demande au président de Toulouse Métropole "des éclaircissements" sur sa stratégie, soulignant que le COM de la Mairie a diminué, et que celui de la Métropole n'est pas acté. Jean-Luc Moudenc n'a pas répondu à cette missive. Dans les couloirs de l'Hôtel de Région, certains attaquent directement la Mairie, qui, selon eux "fait vivre une véritable agonie à TLT".

Pour Antoine Grézaud, "il faut arrêter de dire que Jean-Luc Moudenc veut fermer TLT".

"C'est un fantasme. S'il avait voulu le faire, il aurait décidé de ne pas renouveler le COM entre la chaîne et la ville cet été. Néanmoins, si la chaine n'est pas viable, sa main ne tremblera pas".

Jean-Marie Belin, directeur général de CTV (par ailleurs responsable départemental de Force républicaine, nommé à ce poste par Jean-Luc Moudenc) renchérit :

"La Mairie respecte son COM, qui lui coûte 60 000 € par mois. Tout le monde n'est pas aussi généreux. Martin Malvy se donne le beau rôle mais il ne s'est pas engagé à reconduire son COM en juillet prochain".

Urgence

Pendant ce temps, la maison brûle. TLT affiche un déficit de 200 000 euros et une dette de 1 million d'euros. Selon nos informations, la chaîne ne peut plus payer son loyer. Alors que son PDG se démène pour renflouer sa trésorerie et payer les salaires, Toulouse Métropole estime se situer dans une vision de plus long terme :

"Emmanuel Schwartzenberg souhaite une avance de trésorerie. C'est envisageable. Mais nous nous plaçons sur une réflexion de long terme, sur 3 ans. Il faut arrêter cette spirale infernale qui impose une visibilité limitée à un mois", affirme Antoine Grézaud, dont la mission, confiée par Jean-Luc Moudenc dès son arrivée au Capitole, est clairement de régler le dossier de TLT.

Quel repreneur pour TLT ?

La Mairie de Toulouse cherche un nouvel actionnaire pour TLT, et ne s'en cache pas.

"Soit les collectivités investissent massivement - ce qui n'est pas possible - soit TLT trouve un nouvel actionnaire", confirme Antoine Grézaud.

Parmi les repreneurs potentiels, Christophe Musset. Le PDG du groupe Media Sud (qui possède les chaînes locales de Marseille, Toulon et Montpellier entre autres) a envoyé une lettre d'intention à Jean-Luc Moudenc il y a déjà plusieurs mois.

"TLT nous intéresse pour mailler tout le territoire du Sud. Par ailleurs je pense que c'est uniquement en intégrant TLT à un réseau plus large que l'on peut assurer son avenir. Cela passe par la mutualisation technique, des supports et des programmes communs", explique l'entrepreneur.

Cette candidature est "étudiée sérieusement" par les services de la Mairie selon le directeur de cabinet. Une location-gérance serait envisagée (sur le modèle, par exemple, d'un restaurant, ce dispositif permet au propriétaire d'un fonds de commerce de le conserver dans son patrimoine et d'en tirer des revenus sans l'exploiter lui-même).

Mais l'homme d'affaires n'est pas seul sur les rangs. Une autre proposition reçoit l'attention de la Mairie. Celle de Rémy Pflimlin, le PDG de France Télévisions, qui a rencontré Jean-Luc Moudenc et Antoine Grézaud à l'automne dernier. Option envisagée : un partenariat entre France 3 Midi-Pyrénées et TLT, avec mutualisation des moyens et de certains programmes. France 3 étant un organisme public, plusieurs obstacles juridiques pourraient se poser. Contacté, le CSA n'a pas souhaité répondre à nos questions, jugeant le dossier sensible au vu de l'échéance du 6 mars.

Quel avantage pour France Télévisions ? France 3 Midi-Pyrénées, qui ne diffuse qu'une heure de décrochage local chaque jour, pourrait bénéficier d'une plus grande visibilité et d'une plus grande proximité grâce à une chaîne de la TNT. France Télévision a déjà mis en place ce dispositif en Corse avec la chaine locale ViaStella.

"Le projet de Rémy Pflimlin, présenté à la Ville et à la Région, est intéressant mais il n'a pas été plus formalisé qu'un simple entretien. Une course contre la montre est engagée", affirme le directeur de cabinet de Jean-Luc Moudenc.

Plusieurs autres entrepreneurs, souhaitant rester anonymes, ont confié à la Mairie leur intérêt pour TLT. "Trois sur cinq ont été écartés, car nous les avons jugés insuffisamment sérieux", confie Antoine Grézaud. Une chose est sûre : quel que soit le repreneur, l'ensemble des salariés ne pourra pas être gardé.

"Le constat partagé est que le modèle économique de la chaine n'est pas solvable avec de tels coûts de fonctionnement", regrette le directeur de cabinet.

Et la pub ?

TLT est une entreprise qui emploie 20 personnes. Anne Auriol, secrétaire du CE et déléguée syndicale (SNJ) affirme que les salariés "restent optimistes".

"Nous faisons confiance à Antoine Grézaud, qui était un proche de Dominique Baudis, pour trouver une solution. Nous le rencontrons régulièrement et je ne peux pas croire qu'il soit un menteur."

La syndicaliste soulève cependant une question : "pourquoi n'embauche-t-on pas un commercial pour vendre de la publicité ?".

En effet, TLT se trouve depuis 2013 (année durant laquelle le contrat de régie publicitaire avec La Dépêche du Midi a été rompu) sans force commerciale. Alors que la régie commerciale de La Dépêche est désignée par plusieurs observateurs du dossier comme "l'élément qui a coulé TLT", la situation a empiré depuis qu'il n'y a plus un seul commercial dans les murs de la société. "Nous continuons la prospection commerciale même si toute embauche qui se traduirait par une aggravation des charges est momentanément exclue", regrette Emmanuel Schwartzenbetg, qui rappelle qu'il lui faut l'accord de l'ensemble de ses actionnaires pour réaliser une telle embauche.

Actionnariat de TLT

CTV : 60%

La Dépêche TV : 17,6%

TFC : 10,1%

Stade Toulousain : 3,9 %

Sud Communication : 8,1 %

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Commentaires 3
à écrit le 01/02/2015 à 20:27
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En tant que fidèle téléspectatrice, je souhaite que notre télévision locale TLT continue à vivre...à mon niveau, c'est dire aux Toulousains d'allumer la chaîne 31 de la TNT, vous y trouverez : le journal avec les infos locales avec d’excellents journ...

à écrit le 29/01/2015 à 16:42
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Le silence des actionnaires privés, n'est-il pas assourdissant? Quand à la partie de ping-pong entre les acteurs politiques, elle est pitoyable. A ce stade du débat, autant tirer le rideau purement et simplement puisque tout le monde s'en moque!

à écrit le 29/01/2015 à 11:10
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Cela fait deux à trois décennies sinon plus que l'on répète les mêmes choses et que l'on maintient sous perfusion un canard plus que boiteux ; les invectives en deviennent usées jusqu'à la corde.

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