Le management, principal frein à la transformation digitale des entreprises

Quels sont les obstacles à la transformation numérique des entreprises ? "Le principal frein vient du management", assure Bruno Mettling, DRH d'Orange, dans un rapport remis au ministère du Travail. À Toulouse ce vendredi 30 octobre, il a présenté ses pistes pour réussir cette mutation : favoriser l'éducation numérique à l'école et au sein de l'entreprise, instaurer un devoir de déconnexion et mieux encadrer les travailleurs indépendants.
Bertrand Serp (Toulouse Métropole), Nadia Pellefigue (Région Midi-Pyrénées) et Bruno Mettling, DRH d'Orange

"Quand on parle transformation numérique, on pense en premier à la qualité des infrastructures. Or, en réalisant ce rapport, je me suis aperçu que le principal frein dans les entreprises vient du management. Les managers de proximité ont parfois moins de connaissances numériques que les équipes qu'ils dirigent. On doit les libérer de certaines tâches pour qu'ils accompagnent la transition numérique", assure Bruno Mettling.

Directeur-adjoint d'Orange en charge des ressources humaines, il s'est vu confier en mars dernier par le ministère du Travail la rédaction d'un rapport sur l'effet de la transformation numérique sur le travail. Pendant plusieurs mois, il a rencontré les responsables syndicaux et patronaux ainsi que des sociologues. Ce vendredi 30 octobre, Bruno Mettling était dans les locaux d'Orange à Blagnac pour présenter quelques pistes pour réussir cette mutation, en présence de Bertrand Serp, vice-président de Toulouse Métropole en charge du Numérique et de Nadia Pellefigue, vice-présidente du Conseil régional Midi-Pyrénées en charge des Finances et de l'enseignement supérieur.

Développer l'éducation numérique

"S'il y a un point où la France est en retard, c'est au niveau de l'adaptation du système éducatif au numérique. Ce manque d'éducation numérique représente un tiers des freins à la transformation numérique des entreprises", développe Bruno Mettling.

Le rapport préconise un apprentissage à l'école de l'informatique "qui couvre aussi bien l'architecture réseau, l'algorithmique, le code, le traitement de l'information et la compréhension du fonctionnement des machines" ainsi que la littératie numérique, autrement dit permettre à l'élève de "passer d'une posture passive de consommation d'informations à une posture active, contributive". Les experts prônent également la mise en place d'une formation continue ou d'un dispositif permanent d'accompagnement dans les entreprises. "Chez Orange, nous proposons à tous les salariés d'acquérir un socle commun de connaissances à partir d'une série de vidéos. À ce jour, 86 000 salariés (sur 100 000) ont ainsi obtenu leur passeport numérique", poursuit le DRH.

"La double peine" pour les femmes ?

À ce sujet, Bruno Mettling met en garde contre le manque de parité dans les formations qui mènent aux métiers de demain :

"Le numérique est en train de créer massivement des emplois techniques. Or, aujourd'hui, les écoles d'ingénieurs comptent seulement 12 % de filles. En parallèle, la transformation numérique est en train de détruire des emplois dans le marketing, les ressources humaines, la communication, des postes où beaucoup de femmes travaillent, dans la plus grande indifférence. Au sein d'Orange, nous avons réalisé de la discrimination positive en formant en interne quatre classes exclusivement féminines."

Nadia Pellefigue, vice-présidente à la Région rétorque à ce sujet : "Nous sommes conscients de ce risque de double peine et nous avons décidé qu'il y aurait autant de filles que de garçons à l'entrée de la grande école du numérique (projet qui pourrait concerner en Midi-Pyrénées 200 élèves en décrochage scolaire, NDLR)".

Devoir de déconnexion

Le rapport Mettling s'inquiète par ailleurs de l'effet sur la santé et la vie personnelle de l'intensification du travail qui résulte de l'utilisation intensive des nouveaux outils numériques. Il suggère de modifier en conséquence le forfait-jours annuel chez les cadres, en y ajoutant un suivi et un droit d'alerte permettant de mettre fin rapidement à d'éventuelles dérives.

Il propose également d'introduire un "devoir de déconnexion" pour parer les risques de "surcharge informationnelle".

"Un salarié ne doit pas se voir reprocher de ne pas avoir été joignable pendant son temps de repos. Ce devoir requiert une responsabilisation du top management. On ne peut pas envoyer un mail à ses collaborateurs le vendredi soir et s'étonner le lundi matin qu'ils aient travaillé pendant le week-end", constate le DRH.

Si les big data permettent de tirer profits des profils LinkedIn pour mieux recruter, le rapport insiste sur l'encadrement des données relatives aux salariés.

"Se dirige-t-on vers une autre forme de standardisation des profils recrutés, selon des algorithmes homogénéisants ou bien contribue-t-on à élargir la palette des profils ? Cette collecte de données ne porte-t-elle pas en elle le risque de surveillance des salariés et, dans l'hypothèse positive, comment l'encadrer ?", s'interrogent les experts.

Pour éviter les dérives, le rapport préconise la publication obligatoire dans chaque branche ou chaque entreprise d'une charte des données salariés et "d'un droit individuel à accéder aux données les concernant et à procéder à leur rectification".

Mieux encadrer le travail à distance

Le dernier volet du rapport concerne le développement d'alternatives au salariat classique : travail à distance, travailleurs indépendants... Pour Bruno Mettling, les collectivités territoriales doivent encourager le développement d'espace de coworking dans une perspective d'aménagement du territoire. Le rapport liste également toute une série de bonnes pratiques pour un travail à distance efficace : des jours de présence physique obligatoires, instaurer des plages horaires où le salarié doit être joignable, partager l'information pour que les salariés et les télétravailleurs soient au même niveau d'information...

Mais, pour les experts, il faudrait aussi clarifier par accord d'entreprise la question de la responsabilité en cas d'accident du travail pour les travailleurs à distance. De même, le rapport plaide pour la mise en place d'une protection sociale pour les travailleurs indépendants et la création d'un site internet précisant les droits des travailleurs salariés et non-salariés.

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