Le succès des navettes sans chauffeur d'EasyMile

La startup toulousaine EasyMile expérimente en France et à l'étranger ses navettes autonomes. Positionnée à l'origine sur la desserte urbaine du dernier kilomètre, la PME aimerait à terme irriguer les territoires très ruraux.
Irma, 86 ans, a adopté la navette sans chauffeur.

Comme tous les mercredis, c'est jour de marché à Pibrac, commune de 9 000 âmes de l'Ouest toulousain. Un sac rempli de légumes dans une main, et la canne dans l'autre, Irma, 86 ans, monte dans la navette autonome EasyMile installée au pied de la basilique. L'engin, sans chauffeur, la déposera quelques centaines de mètres plus loin au centre commercial où elle a garé sa voiture. "Avec ma jambe, je ne peux plus trop marcher et il est impossible de trouver une place de parking suffisamment près du marché. La navette est très pratique pour ça", témoigne la retraitée. Comme Irma, 20 000 personnes ont emprunté la navette autonome d'EasyMile durant les cinq mois d'expérimentation, "un vrai succès" pour la municipalité de Pibrac. "Cela va de la famille qui va à l'église pour le baptême du petit dernier, aux scouts en passant par des personnes handicapées. C'est un moyen de locomotion intergénérationnel qui crée du lien social entre les habitants", décrit Michel Ramon, l'un des quatre opérateurs qui a supervisé les trajets réalisés par la navette.

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À Pibrac, la navette a été testée sur 700 mètres sur un trajet fermée à la circulation automobile (Crédit : Rémi Benoit).

La navette ralentit à proximité des piétons

À l'intérieur de l'engin, pas de volant. Il suffit à l'opérateur d'appuyer sur un bouton pour démarrer la machine. Programmée sur un circuit de 700 mètres (et trois arrêts), la navette circule à une vitesse moyenne de 15 km/h, des capteurs positionnés sur les pneus lui permettant de ralentir au passage d'un piéton. La technique pourrait encore être améliorée puisque les opérateurs ont remarqué que la navette ralentit aussi quand les feuilles mortes tombent sur la chaussée. Sans chauffeur, la machine nécessite néanmoins encore la présence d'un opérateur à bord titulaire du permis "transports publics". Mais la loi pourrait évoluer en la matière et EasyMile a déjà tout prévu.

"Dans le futur, il n'y aura même plus besoin d'opérateur physiquement dans la navette. Les passagers pourront démarrer eux-mêmes la navette. La machine est déjà équipée de hauts-parleurs et de caméras pour qu'à terme les opérateurs puissent suivre les trajets à distance depuis un centre de contrôle", décrit Michel Ramon.

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Flotte de navettes EasyMile à Francazal (Crédit : RémI Benoit).

En attendant, la navette va être testée tout l'hiver en plein centre-ville de Toulouse sur les allées Jules Guesde dans le cadre du programme Smart City de Toulouse Métrople.  "Ce sera plus compliqué qu'à Pibrac où le circuit était protégé du passage. Là, nous serons au coeur d'une véritable zone piétonne", fait remarquer Benoit Perrin, directeur technique d'EasyMile.

Fondée en 2014, la startup est "l'une des deux pépites françaises des navettes autonomes" selon la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Dotée aujourd'hui d'un effectif de 100 salariés, elle dispose de locaux en plein centre-ville de Toulouse, d'un centre d'expérimentation sur l'ancienne base militaire de Francazal, mais aussi de bureaux à Denver, Berlin ou Singapour.

Contrairement à son concurrent lyonnais Navya, l'entreprise toulousaine ne fabrique pas les engins. "Notre coeur de métier est de développer des systèmes de navigation autonomes et d'intégrer ces logiciels dans des véhicules de transports", explique Gilbert Gagnaire, le PDG de la société. La navette EZ10 qui a circulé à Pibrac a été produite par exemple en partenariat avec Ligier, constructeur français de voiturettes.

"Nous expérimentons aussi avec Alstom des tramways circulant de manière automome dans le dépôt RATP ("le garage" des trams, NDLR). Nous travaillons avec TLD sur des tracteurs à bagages sans chauffeur dans les zones aéroportuaires et des bus autonomes pour l'entreprise Iveco qui pourraient relier le parking longue durée et l'aéroport", poursuit l'entrepreneur.

Des expérimentations dans 20 pays

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Élisabeth Borne, ministre des Transports et Gilbert Gagnaire, PDG d'EasyMile (Crédit : Rémi Benoit).

Au total, EasyMile a déployé 50 véhicules dans 20 pays, principalement dans des zones fermées à la circulation comme les aéroports ou les parcs d'attractions. Une première étape.

"Dès 2018, nous voulons expérimenter les navettes en zone urbaine sur le dernier kilomètre. Ce n'est pas un moyen de transport de masse, il s'agit d'être complémentaire avec les transports publics. Nous visons aussi à l'horizon 2019-2020 l'entrée en service des navettes dans des zones très rurales touchées par la désertification et non desservies par les transports en commun conventionnels", ajoute Gilbert Gagnaire.

Pour y parvenir, il faudra d'ici là faire évoluer les lois en vigueur. En France par exemple, la réglementation limite les tests à voies fermées à la circulation automobile. En visite à Toulouse le 10 novembre dernier, la ministre des Transports Élisabeth Borne a promis de "donner un cadre plus souple pour les expérimentations de véhicules autonomes". "De la même manière que la voiture a son code de la route, il faudra élaborer des méthodologies pour déployer en toute sécurité les navettes autonomes", estime pour sa part le PDG d'Easymile. À Pibrac en tout cas, la municipalité espère d'ici quelques années déployer la navette pour desservir le nouveau lycée depuis la gare, pourquoi pas sur une voie réservée aux cyclistes... Histoire aussi d'éviter les routes encombrées par les bouchons automobiles aux heures de pointe.

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