Idex : la gouvernance, casse-tête de l'Université de Toulouse

La semaine prochaine, Toulouse devrait savoir si son université obtient à nouveau ou non le label Idex, perdu en 2016. Depuis 2011 (année de la première candidature à l'Idex) la question de la gouvernance (trop "dictatoriale", "trop éloignée du terrain") ne cesse de plomber le dossier. Le nouveau projet tente de faire la synthèse entre une fusion et une fédération d'établissements. Explications.
L'Université Toulouse 1 Capitole a voté le projet porté par Philippe Raimbault mais se montre prudente sur la question de la gouvernance

Depuis 10 ans, le calendrier du label Idex fait stresser les universitaires et la tension est à son comble au moment de l'annonce des universités sélectionnées ou exclues du label. Toulouse connaît bien ces sueurs froides puisque son université a échoué en 2011, été lauréate en 2012 (elle signe la convention attributive des fonds en 2013), mais s'est vue retirer l'Idex en 2016. Dans quelques jours, elle saura si elle peut récupérer ce label doté de plusieurs millions d'euros et destiné à en faire une université de rang mondial.

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Au cœur des débats, la question de la gouvernance. Alors que le jury international chargé d'attribuer l'Idex affiche sa préférence pour une fusion des différentes entités (universités et écoles), le site de Toulouse, complexe de par la diversité de ses composantes, a toujours préféré un mode de gouvernance plus proche de la fédération d'universités, mais qui n'a jamais convaincu. "Le premier projet Idex, en 2011, n'a pas abouti car il proposait une gouvernance quasi dictatoriale", assure un proche du dossier. "C'était un projet offensif, avec un conseil restreint", nuance un autre, toujours sous couvert d'anonymat. Finalement, la volonté de ne pas fusionner les établissements pour laisser du pouvoir aux différentes entités (universités et écoles) n'a pas séduit le jury en 2016, qui a retiré l'Idex à Toulouse.
Le modèle qui a finalement été proposé tente de faire la synthèse entre gouvernance unique et respect des pouvoirs en place.

Une université à deux vitesses ?

Le projet présenté par Philippe Raimbault, président de l'Université de Toulouse, au jury international Idex, au Commissaire général aux investissements et au ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche est unique en France, répond aux enjeux du site toulousain. Afin de respecter des identités et des calendriers propres à chaque établissement tout en créant une bannière commune "Université de Toulouse", Philippe Raimbault a proposé la création d'un établissement expérimental, "à mi-chemin entre le grand établissement et la Comue (modèle actuel, NDLR), pour le maintien des personnalités juridiques".

Ainsi, il a été décidé que deux niveaux d'intégration seraient possibles : un "noyau dur" de membres intégrés pour ceux qui acceptent de partager un ensemble large de compétences et qui auront vocation à abandonner leur personnalité juridique. Viendrait ensuite un "deuxième cercle" de membres qui acceptent de partager un socle de compétences fondamentales (élaboration des stratégies, intégration de la recherche et diplomation), mais ne souhaitent pas adhérer aux compétences en matière de flux financiers, de RH et, surtout, qui n'envisagent pas d'abandon de la personnalité juridique.

Lire aussi : Idex : vers un statut à part pour UT 1 Capitole et l'Isae-Supaero

La nouvelle Université de Toulouse

Au 1er janvier 2018, le "noyau dur" Université de Toulouse (UT), inspiré du modèle de l'université de Toronto, sera composé de :
- Toulouse 2 Jean-Jaurès,
- Toulouse 3 Paul Sabatier,
- L'Institut National Polytechnique (INP) de Toulouse,
- L'Institut National des Sciences Appliquées (Insa).

Cela conduira d'ici 2019 à la disparition de la personnalité juridique des universités Jean-Jaurès et Paul-Sabatier, et à la disparition de la Comue (modèle actuel).
Ce noyau dur est "soutenu" par les six organismes de recherche présents sur le site : CNRS, Inra, Inserm, IRD, Onera et Cnes. L'UT définit la stratégie en matière de recherche, de formation, d'internationalisation. Elle met en œuvre la signature unique des publications scientifiques et des diplômes, met en œuvre la politique RH et centralise les flux financiers venant de l'État.

Un "deuxième cercle" sera composé de :
- L'université Toulouse 1 Capitole,
- L'Institut Supérieur d'Aéronautique et de l'Espace (Isae-Supaéro),
- L'École Nationale de l'Aviation Civile (Enac),
- L'École Nationale Vétérinaire de Toulouse (ENVT).

Ces établissements ne peuvent adhérer aux compétences en matière de flux financiers et de RH mais participent à l'élaboration des stratégies scientifiques, de formation et d'internationalisation de l'UT.

Pour Corine Mascala, présidente de Toulouse 1 Capitole, le noyau dur s'apparente à une fusion, ce qu'elle refuse : "La richesse d'un site, c'est sa diversité. Je ne suis pas favorable à l'uniformité. La personnalité juridique d'un établissement, c'est sa réputation et son image. Chaque université doit pouvoir décider de ses recrutements et de sa politique scientifique, c'est ce qui fait sa richesse", déclarait-elle au moment où Philippe Raimbault a présenté son projet. UT1 a néanmoins voté en Conseil d'administration en faveur du projet, en l'assortissant d'une motion.

"Ce nouveau projet n'est pas une fusion, mais une intégration, défend Daniel Lacroix, président de l'université Jean Jaurès. Il est important que nous mutualisions les missions que l'on gagne à faire ensemble, que ce soit en matière de recherche, de formation doctorale, de visibilité à l'international. À l'inverse, il faut garder de la proximité pour gérer ce qui n'a pas besoin de remonter : l'essentiel des formations, le recrutement des enseignants-chercheurs... C'est le modèle que je défends mais on ne sait pas trop jusqu'où on devra aller juridiquement", admet-il.

Philippe Raimbault a beau avoir l'essentiel de la communauté universitaire et politique derrière lui, le modèle suscite des craintes : les étudiants craignent de voir les frais de scolarité augmenter, les personnels redoutent des économies d'échelle et les enseignants appréhendent un pilotage technocratique.

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