Dans un hangar de l'aéroport de Toulouse-Francazal, les équipes d'Airplane s'activent depuis des mois pour remettre en service les avions mis en sommeil depuis le début de la crise sanitaire.
"Beaucoup d'avions dormaient sur le tarmac depuis pratiquement deux ans. Nous accueillons principalement des petits aéronefs régionaux ATR qu'il faut préparer à la remise en vol. Il faut aussi refaire la peinture devenue obsolète. Parfois, la compagnie aérienne n'existe plus. Quand la cabine n'est pas en bon état, certains clients préfèrent convertir les avions en version cargo pour transporter des colis commandés sur internet", décrit Alain Gaudon, directeur général d'Airplane.
Pénurie de peintres d'avions
Pour la reprise, Airbus parie sur des remontées de cadences spectaculaires avec 65 avions A320NEO dès l'été 2023 et des études sont en cours pour tendre vers 70 à 75 appareils par mois. L'avionneur a d'ailleurs annoncé ce mercredi chercher à pourvoir 6.000 postes à travers le monde en 2022. De son côté, Airplane, PME familiale d'une centaine de salariés spécialisée dans la peinture et les services MRO, vient de lancer un plan de recrutement pour embaucher 40 salariés supplémentaires. La tâche est ardue et la société aéronautique est confrontée à une pénurie de bras.
"Nous recherchons des mécaniciens avions ATR, c'est une compétence très rare sur le marché. De la même manière, c'est la bataille à Toulouse pour trouver des candidats qui savent poser 4.000 euros de peinture sur un avion sans que ça coule", ajoute le dirigeant.
Sur ce créneau, Airplane est en concurrence avec d'autres salles de peinture avions dans la Ville rose également en manque de bras. Dès le mois de juin, Christophe Cador, PDG du spécialiste mondial de la peinture d'avion Satys et par ailleurs président du comité Aéro-PME au sein du Gifas, sonnait l'alerte.
"Comme beaucoup d'entreprises aéronautiques, nous avons du mal à embaucher. Beaucoup de profils se sont tournés vers d'autres secteurs industriels. Certains de nos salariés se sont également reconvertis en conducteurs de taxi, ont lancé leur foodtruck", constatait-t-il.
Des événements physiques pour sortir du lot
Une situation qui pousse les sous-traitants à rivaliser d'imagination pour attirer de nouveaux profils. En novembre dernier, Sabena Technics, autre grand acteur à Toulouse de la peinture d'avions, a organisé une opération "un rendez-vous, un CDI" qui a fait l'objet de campagnes de communication sur le site Le Bon Coin, Youtube, sans parler des campagnes d'affichage dans la ville de Toulouse et dans l'ouest toulousain.
Objectif : embaucher et offrir une formation qualifiante à 40 peintres en quelques heures de job-dating. "Nous ne cherchons aucun profil type, ou expérience professionnelle particulière. Nous voulons simplement des personnes intéressées par le métier et motivées. Voir ces personnes nous permettra de réellement évaluer leur motivation, tout ne peut pas se faire derrière un écran", justifiait Philippe Rochet, le CEO du groupe Sabena Technics.
Job-dating organisé par Sabena Technics fin novembre à Toulouse (Crédits : Pierrick Merlet).
Un constat partagé par Pierre-Olivier Nau, président du Medef en Haute-Garonne : "Il faut redoubler de créativité pour séduire. Les événements physiques se multiplient. Ils permettent de rencontrer les candidats et les motiver à rejoindre l'entreprise."
Une tendance qui vaut aussi pour les cols blancs. Mi-décembre, SII Sud-Ouest a organisé un job-dating dans une maquette d'avion pour recruter 200 collaborateurs à Toulouse. La société d'ingénierie est installée à deux pas des bureaux de Thales mais souffre d'un manque de notoriété. Au-delà du simple entretien, les recruteurs avaient prévu des démonstrateurs de projets menés au sein de l'entreprise en s'appuyant sur des simulateurs pour valider les fonctions de vol de l'avion.
Début février, le sous-traitant de rang 1 Liebherr Aerospace prévoit un événement en présence d'experts du groupe au musée Aeroscopia pour dénicher une vingtaine de profils ingénieurs et de cadres expérimentés.
Avion-bashing
Ces effectifs supplémentaires viendront soutenir la remontée des cadences annoncée par Airbus sur l'A320 mais aussi préparer l'avion du futur avec la fabrication d'équipements électriques et à destination des piles à hydrogène. "Ce que nous remontent les dirigeants, c'est également un petit peu de défiance notamment chez les jeunes vis-à-vis de la question de décarbonation du secteur. Certains disant que l'avion vert n'est pas assez balancé pour s'engager dans cette voie alors que justement les jeunes recrutés maintenant vont contribuer à la décarbonation à vitesse grand V de l'aviation", relève Pierre-Olivier Nau.
Du côté d'Airplane, face à la pénurie de recrutements externes, les dirigeants comptent miser sur la formation en interne avec la création d'ici un à deux ans de son propre centre MRO et peinture pour qualifier à terme "entre 50 et 100 personnes par an sur des cursus de trois à cinq ans". "Cela nous permettra d'être attrayants, de faire savoir que l'on forme pour acquérir un métier mais cela nous aidera aussi à sélectionner ceux qui pourront franchir la barre supérieure au sein de l'entreprise", note Alain Gaudon.
Une vitrine pour faire savoir aussi que ces filières techniques peuvent déboucher sur des progressions intéressantes de carrière et des salaires plutôt élevés. "Ces métiers sont peu valorisés alors qu'ils donnent accès à un bon niveau de vie. Un mécanicien certifié, c'est quasiment un salaire d'ingénieur ! Côté peinture, la grille débute avec des salaires assez bas puisque la valeur ajoutée est assez faible mais au cours de la carrière il est possible de finir chef de cabine de peinture en étant très bien payé sans avoir forcément un bagage scolaire important", conclut-il.
Sujets les + commentés