La 3e ligne de métro inadaptée à la population de 2024, analyse de Robert Marconis

Professeur émérite de géographie à l'Université Toulouse Jean-Jaurès, Robert Marconis étudie depuis les années 80 la place des transports en commun dans la recomposition de la ville. Pour lui, "la ville s'est construite sans penser à la desserte en transports collectifs". La troisième ligne de métro peut-elle changer la donne ? Et que penser des projets futuristes comme Hyperloop ? Éléments de réponse à l'occasion d'une conférence au Quai des savoirs.
Robert Macronis est professeur émérite de géographie à l'Université Toulouse Jean-Jaurès
Robert Macronis est professeur émérite de géographie à l'Université Toulouse Jean-Jaurès (Crédits : DR / Rémi Benoit)

"La troisième ligne de métro doit-elle s'arrêter à l'aéroport qui est déjà desservi par le tramway ? Faut-il desservir Colomiers et quelle zone à Colomiers ? On voit bien qu'aujourd'hui, à Toulouse, nous avons des bouts de ville à réunir, qu'il faut recoudre, mais nous n'avons pas de vrai projet métropolitain", estime le géographe toulousain Robert Marconis à l'occasion d'un café-débat organisé le 9 mai au Quai des Savoirs. Professeur émérite à l'université Toulouse Jean-Jaurès, il étudie depuis le milieu des années 80 la place des transports en commun dans la recomposition de la ville. Comme il l'avait déjà théorisé dans un ouvrage récent*, Robert Marconis estime que depuis près d'un siècle "les transports courent après les villes".

Le manque de transports collectifs sur de grands sites toulousains

Petit retour en arrière. "Dès l'entre-deux-guerres, la ville s'est développée sans se soucier de comment les gens allaient se déplacer. Jusque dans les années 70, on s'est contenté de développer des infrastructures routières pour écouler le flux automobile, avance-t-il avant de citer plusieurs exemples. Quand le quartier du Mirail est construit, on ne pense pas aux accès vers la ville-centre car on se dit que tous les services nécessaires sont disponibles à proximité dans le quartier. Autre exemple, quand le campus scientifique de Rangueil est inauguré en 1962, il n'existe aucune desserte en transports en commun. Le seul bus a son terminus à Jules Julien et il fallait ensuite faire du stop ou marcher jusqu'au campus. Après de longues luttes, une navette a finalement été mise en place vers le campus."

La même erreur est reproduite avec le CHU de Rangueil inauguré en 1975 par Simone Veil. Il est perché sur la colline de Pech David où "aucun accès en transport collectif n'est prévu à l'origine pour les proches des 1 600 patients hospitalisés et les 3 200 salariés, mis à part un parking en contrebas". Plus récemment, l'Oncopole de Toulouse a été inauguré en 2014 sur le site où a eu lieu l'explosion de l'usine AZF. Pour Robert Marconis, "on a voulu faire un coup médiatique en l'installant à proximité de l'ancien site AZF mais on n'a pas réfléchi un seul instant à la desserte". Le site est aujourd'hui uniquement desservi par des bus. D'ici à 2020, soit 45 ans après l'ouverture du CHU de Rangueil, un téléphérique en projet devrait enfin permettre de relier l'hôpital avec l'Université Paul-Sabatier et l'Oncopole. Le géographe espère que "dans les années à venir, la ville sera un peu mieux pensée en fonction des transports, et que les transports courront un peu moins après la ville".

Une forte mobilité résidentielle à prendre en compte

Pour mieux penser la ville de demain, Robert Marconis estime que les collectivités devraient davantage prendre en compte la mobilité résidentielle :

"Chaque année, 18 000 nouveaux arrivants sont enregistrés dans la métropole toulousaine et 9 000 Toulousains quittent cette ville. De la même manière, l'aire urbaine de Toulouse accueille 62 000 nouveaux arrivants et environ 50 000 personnes la quittent. Ce qui m'amène à cette réflexion qui a dû mal à progresser chez les élus, c'est que la population bouge beaucoup.

La troisième ligne de métro n'est pas pour la population de 2024. D'ici là, avec la mobilité résidentielle, les habitants auront adopté d'autres stratégies de mobilité résidentielle. Il faut aménager une ville qui continue à bouger dans le même temps."

Le géographe estime aussi qu'il faut penser les tracés de métro en fonction du foncier disponible pour développer des logements. Cette démarche commence à être prise en compte par les urbanistes. Robert Marconis cite notamment l'exemple de la station de Borderouge (terminus de la ligne A), qui a permis selon lui de créer ex nihilo un bassin de vie.

Plutôt qu'Hyperloop, il mise sur les applications de covoiturage

Et quand on l'interroge sur les projets de transports futuristes à l'image de la capsule d'Hyperloop (qui promet d'atteindre 1 000 km/h) ou de Pop, le drone-taxi conçu par Airbus, Robert Marconis estime que "plus que ces avancées technologiques, je mise davantage sur les usages numériques pour bouleverser la mobilité". Il cite notamment l'exemple de Blablacar, qui vient d'annoncer une ligne de covoiturage courte distance entre Toulouse et Montauban.

"Personne n'avait imaginé que les parkings des supermarchés ou des écoles seraient utilisés pour du covoiturage. Les élus ont tendance à penser que les Toulousains sont tellement attachés à la voiture qu'ils ne vont pas prendre les transports collectifs. Lorsque l'on a ouvert deux parkings de 150 places à Jolimont et Balma-Gramont, les élus pensaient qu'ils resteraient désespérément vides ! Les habitants font preuve d'une très grande adaptabilité et je suis impressionné, aujourd'hui, par la capacité des jeunes à s'organiser pour se déplacer via l'usage de plateformes numériques", conclut-il.

*Toulouse [territoires] du tramway : quand les transports repensent l'agglomération, Éditions Privat, 2010

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 05/07/2017 à 17:47
Signaler
Encore une décennie de retard à ne pas faire de suite le métro jusqu'à l'aéroport. Un aéroport qui n'a de cesse de se développer, un parc des expositions en pleine construction à proximité et un gros frein des autorités locales via tisseo ....

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.