Numérique, santé, recherche... Occitanie et Nouvelle Aquitaine s’inventent un avenir commun

Chefs d’entreprises, chercheurs et politiques dressent des pistes qui permettraient au grand quart Sud-Ouest de trouver de nouveaux relais de croissance. De l’accès simplifié aux financements pour les entreprises, en passant par la création d’un pôle numérique commun aux deux régions et la fusion de la recherche universitaire... Les idées ne manquent pas.
Quels leviers pour dessiner un avenir commun entre Occitanie et Nouvelle Aquitaine ?

Quels relais de croissance pour demain en région Occitanie ? Quelles collaborations possibles entre Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ? Christian Desmoulins, président du Cercle des entreprises stratégiques d'Occitanie et ambassadeur régional pour l'Alliance pour l'industrie du futur, a été missionné par l'État et la Région, avec des patrons d'ETI et des universitaires, pour réfléchir à ces questions. Il a dévoilé les premiers résultats de cette étude, le 23 mars dernier à l'occasion du Sommet Économique Occitanie / Nouvelle-Aquitaine organisé par la rédaction de La Tribune Toulouse.

Pour donner un point de départ à leurs réflexions et préconisations, les experts ont scanné les paramètres des bases industrielles de la région Occitanie. Sans surprise, l'aéronautique-espace-systèmes embarqués, l'agriculture-agroalimentaire et le tourisme sont les trois secteurs identifiés comme clés en Occitanie.

"Nous devons continuer d'investir dans ces domaines, mais nous avons aussi identifié trois secteurs qui seront des relais de croissance pour demain. Il s'agit du numérique, de la santé et, probablement, de la transition énergétique", a pointé Christian Desmoulins estimant que "si le secteur aéronautique continuera de croître au plan mondial dans les prochaines années, les grands marchés de demain seront asiatiques et, particulièrement chinois".

Pour trouver de nouveaux moteurs de croissance, il évoque notamment des passerelles à consolider entre santé et systèmes embarqués. Selon le spécialiste, s'il y a peu de chance de voir demain un grand laboratoire pharmaceutique venir s'installer à Toulouse, les industries médicale et aéronautique ont en revanche de nouveaux débouchés à imaginer, grâce à de nombreux transferts de technologies possibles.

Fusionner la recherche entre les universités

Autre piste évoquée : la consolidation des pôles importants en recherche - notamment en santé - à Toulouse, Montpellier et Bordeaux. Christian Desmoulins suggère ainsi de fusionner   la recherche des différentes universités. Un moyen, selon lui, de gagner en visibilité et d'accélérer l'innovation.

"L'innovation est un problème interdisciplinaire et la fusion est bien souvent à l'interface des disciplines", estime-t-il, pointant les exemples du cancer et de la biologie cellulaire et moléculaire, de la chimie, de la physique et de l'informatique.

"Toute cette chaîne organisée en programme nous permettrait de faire de la recherche de très haut niveau."

Ces changements permettraient aussi à Toulouse, Bordeaux et Montpellier de gagner en visibilité dans les grands classements internationaux type Shanghai.

Toulouse Métropole a, de son côté, déjà engagé des réflexions pour consolider le secteur de la santé autour de la recherche. "Nous avons aujourd'hui deux pôles de compétitivité en santé à Montpellier et Toulouse et créons un lien avec Bordeaux pour dessiner un maillage plus important qui permettra de soutenir un réseau French Tech santé", a annoncé Benjamin Gandouet, le directeur Oncopole à Toulouse Métropole. Si les outils concrets de ce futur réseau ne sont pas encore connus, la collectivité s'attache pour l'heure à répertorier les besoins et attentes des startups du domaine de la santé.

"Il faut que chacun ait une meilleure compréhension de l'écosystème qui l'entoure. Il faut aussi fédérer et animer l'ensemble des acteurs du secteur. Jusqu'alors, la Région et la Métropole ont beaucoup soutenu le secteur académique. Maintenant, il faut soutenir le volet industriel", indique Benjamin Gandouet.

Un pôle du numérique pour soutenir les entreprises ?

Faire entrer la recherche et l'innovation en entreprise est par ailleurs une attente forte de la part des représentants de ces mondes-là. Chantal Soulé-Dupuy, chercheuse à l'Irit et directrice de l'école doctorale Mathématiques, informatique et télécommunications de Toulouse, regrette d'ailleurs "de trop rares embauches des doctorants en entreprises, malgré des compétences de très haut niveau" :

"Quand il y a des embauches, c'est trop souvent pour des raisons économiques : une entreprise prend un doctorant parce que ça lui amène du crédit impôt recherche ou lui permet d'avoir le statut d'entreprise innovante. Trop peu pour bénéficier des réelles compétences de ce doctorant, et ça c'est typiquement français. 97 % de nos diplômés s'insèrent pourtant dans les trois mois."

De leurs côtés, les chefs d'entreprises rétorquent qu'il n'est pas si simple d'embaucher des chercheurs. "Pour tisser des liens entre le monde économique et celui de la recherche, les régions et les collectivités ont un rôle de passeur à jouer", selon Marc Prikaszsky, le président du club des ETI de Nouvelle-Aquitaine qui rassemble 60 entreprises et 36 000 emplois. Au cours d'un dialogue avec Alain Di Crescenzo, président de la CCI Occitanie, la création d'un pôle de compétitivité numérique a été évoquée.

"Fusionner les systèmes de recherche, avec un fléchage clair qui permette de faire entrer la recherche universitaire en entreprise, me paraît être une bonne chose, et je pense même qu'il manque un grand pôle de compétitivité numérique commun aux deux régions", a plaidé Alain Di Crescenzo.

Dans chacun des deux territoires, les pistes de développement en commun sont réelles autour de l'aéronautique : "L'aéronautique et les systèmes embarqués font la force de nos deux régions qui représentent à elles seules 30 à 50 % de l'emploi national dans ce secteur", estime le président de la CCI Occitanie, qui envisage même de "devenir le premier bassin d'emploi au niveau mondial". Mais beaucoup de questions sont également liées à l'économie de la mer.

"Sur la mer, il y a tout à faire, c'est le dernier continent non exploité, il faut le faire intelligemment", préconise Marc Prikazsky.

Transformation de l'Irdi

D'un point de vue strictement économique, les deux chefs d'entreprise s'accordent sur la nécessité de simplifier la fiscalité en séparant notamment fiscalité individuelle du chef d'entreprise de celle de l'entreprise. Ils plaident également pour une simplification de la transmission d'entreprise, qu'ils considèrent comme "chère et compliquée".

De même, ils aimeraient que les dispositifs d'accompagnement proposés par la Région soient unifiés et simplifiés et que l'Irdi (Institut régional de développement industriel) "devienne le ciment de fonds de capital risque entre la Nouvelle Aquitaine et l'Occitanie."
Nadia Pellefigue, vice-présidente du Conseil régional d'Occitanie, indique avoir déjà pris ce sujet à bras le corps avec la transformation de l'Irdi en Irdi Soridec Gestion.

"C'est un actif de 205 millions d'euros, contre 12 millions d'euros à l'époque pour l'Irdi."

Elle rappelle que l'Occitanie est la région de France qui dispose du "PIB le plus dynamique" de France. "Nous avons donc besoin de tickets de plus en plus importants pour aider les entreprises, fréquemment autour de 10 millions d'euros et, en même temps, nous devons être en capacité de distribuer et mettre en place des tickets qui répondent aussi aux besoins des TPE." Par ailleurs, plusieurs préconisations formulées par les travaux de Christian Desmoulins retiennent toute l'attention de la Région Occitanie.

Les secteurs de la transition énergétique, de l'agroalimentaire, de l'économie du littoral et de la mer, de l'industrie du futur et du tourisme, viennent d'ailleurs d'être identifiés par la collectivité dans le cadre de l'appel à projet Readynov.

"Le défi est de s'appuyer sur notre position de leader en matière de R&D pour générer une activité économique sur le territoire avec des débouchés industriels et commerciaux dans ces secteurs", a indiqué la Région, au lancement de ce nouveau dispositif soumis au vote des élus le 24 mars dernier.

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