Grippe aviaire : course contre la montre pour la filière gras d'Occitanie

La filière gras française va-t-elle perdre encore plusieurs millions d'euros ? Depuis le jeudi 1er décembre, de nouveaux foyers du virus sont apparus dans la région Occitanie, causant la mort ou l’abattage de milliers de canards. Touchée sévèrement une première fois en début d’année par la grippe aviaire, c'est un second coup dur pour la filière régionale des palmipèdes, qui doit s'organiser.
En 2016, 4 750 tonnes de foie gras en moins seront produites en France par rapport à 2015.

Le SISQA, salon incontournable de l'agro-alimentaire à Toulouse, qui s'est déroulé du 8 au 11 décembre 2016, a fait cette année sans ses canards. Pour la 15e édition de ce rendez-vous traditionnel autour des produits du terroir, les organisateurs ont préféré ne pas prendre de risque. Touchés par un épisode sévère de grippe aviaire découvert dans le Tarn le jeudi 1er décembre, les palmipèdes étaient donc les grands absents de la ferme du salon.

En effet, depuis une dizaine de jours, plusieurs foyers du virus influenza aviaire (H5N8) ont été découverts dans les départements du Gers, du Tarn et des Hautes-Pyrénées. "Ce virus est arrivé par les oiseaux migrateurs venant de l'ouest de l'Europe et il est inédit en France par sa virulence", selon Anne Richard, directrice de l'Itavi (Institut Technique de l'Aviculture). Par conséquent, une course contre la montre est actuellement engagée contre la propagation du virus par les services vétérinaires des préfectures et les opérations d'abattages préventifs se multiplient.

270 M€ minimums perdus en 2016

Résultat, 1 000 canards ont été abattus dans les Hautes-Pyrénées, 18 000 dans le Gers, et 47 000 dans le Tarn, entre la découverte du premier foyer et le vendredi 9 décembre. Une hécatombe dont se serait bien passée la filière gras à deux semaines des fêtes de fin d'année. Mais, "bien évidemment, des indemnisations financières seront accordées aux producteurs concernés par ces opérations d'abattages", assure Benjamin Constant, président du syndicat Jeunes Agriculteurs dans le Gers.

"Selon le statut d'avancement du canard dans le cycle de production, l'indemnité se situe entre 1,40 € et 3 € par canard, d'après nos calculs basés sur la crise du début d'année", estime Anne Richard.

Cependant, "le manque à gagner pour la filière se chiffrera en millions d'euros. Mais il est encore trop tôt pour être plus précis. Notre priorité est de stopper la propagation du virus actuellement. Les calculs économiques viendront dans un second temps", prévient Marie-Pierre Pé, secrétaire générale du Cifog (Comité Interprofessionnel des Palmipèdes à Foie Gras).

Une précédente crise en début d'année avait obligé les autorités à procéder à un vide sanitaire entre février et mai 2016, c'est-à-dire un dépeuplement des lieux de production jusqu'à épuisement total pour stopper l'épidémie de grippe aviaire. "Cette période a coûté 130 millions d'euros aux producteurs et 140 millions d'euros aux transformateurs, soit 270 M€ perdus pour la filière. D'après nos calculs, la filière gras française va produire 4 750 tonnes de foie gras de moins cette année, ce qui représente 25% de la production de 2015". Il faudra désormais refaire ces calculs avec cette nouvelle crise qui ravage l'ancienne région Midi-Pyrénées, 2e ex-région productrice selon le Cifog. Quel que soit le montant de la perte financière pour la filière gras française, cet épisode de grippe aviaire sonne comme un deuxième coup de massue pour les producteurs en moins d'un an.

La France garde sa place de 1er producteur mondial

Malgré tout, "la place de leader mondial de la France comme producteur de foie gras n'est pas menacée. Nous sommes loin devant la Bulgarie et la Hongrie qui réalisent environ 10% de la production mondiale chacun, quand la France en assure 75%", précise Marie-Pierre Pé.

En revanche, les exportations devraient en prendre un coup. Sur les 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires réalisés par la filière française en 2015, 110 M€ provenaient des exportations. Un chiffre qui sera difficile d'atteindre en 2016. "La perte du statut de pays "indemne" de la grippe aviaire déclarée par l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) l'année dernière, empêche l'exportation dans certains pays, comme le Japon", ajoute la secrétaire générale. En effet, le Japon, très friand de foie gras français, a importé l'an passé pour 17,3 M€, avant d'interdire le produit tricolore cette année. Une situation qui ne changera pas tant que la France ne retrouvera pas son statut de pays "indemne". Initialement prévu courant décembre 2016, la démarche a été repoussée devant la découverte de foyers dans le Tarn le 1er décembre dernier.

Le foie gras boudé par les Français la veille des fêtes de fin d'année ?

Côté français, les consommateurs seront-ils aussi frileux ? Si l'on en croit certains distributeurs, oui. Au marché Victor Hugo de Toulouse, un responsable du stand Jean-Louis Vivés qui souhaite garder l'anonymat, assure que certains clients ont annulé des commandes pour la fin d'année en raison de ce nouvel épisode de grippe aviaire. Une responsable du stand de la Maison Samaran explique quant à elle, ne pas être confrontée à une méfiance de la part de sa clientèle. Pourtant, une affiche apparaît sur la vitrine du stand afin de rassurer les consommateurs.

On peut y lire : "Nous tenons à vous informer que nos lots de canards ne sont pas touchés par la grippe aviaire. Les foyers qui ont été découverts ont tout de suite était pris en charge par les autorités. (...) La grippe aviaire H5N8 n'est pas transmissible à l'homme par la consommation de foie gras ou d'autres produits issus du canard gras".

En revanche, les deux distributeurs craignent de voir les prix à la consommation flamber si la situation ne s'améliore pas rapidement.

Stand Maison Samaran Victor Hugo

Vitrine du stand de la Maison Samaran au marché Victor Hugo de Toulouse, jeudi 8 décembre 2016./ DR.

La région Occitanie a donc annoncé vendredi 9 décembre le lancement d'une campagne de communication d'envergure nationale pour un montant de 500 000 €, afin de soutenir la filière et de rassurer les consommateurs sur la qualité des produits. Un soutien qui rentre dans le cadre d'une aide d'urgence de 15 M€ débloquée par la Région en mars pour la filière gras sur la période 2016-2017, suite à la première crise sanitaire de l'année.

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