Toulouse et la France en retard sur le marché des applications spatiales

Et si le système européen de navigation par satellite ne profitait pas aux entreprises européennes ? Pour le Toulousain Xavier Leblan, directeur du Guide, un laboratoire de certification des applications par géolocalisation, il est urgent de se saisir des opportunités de ce secteur émergent. Sans quoi, d'autres pays en bénéficieront.
Xavier Leblan, directeur du laboratoire Guide, à Toulouse.

Dans ses locaux de la pépinière d'entreprises de Toulouse Métropole, Xavier Leblan pourrait parler de la géolocalisation par satellite pendant des heures. "Je suis un passionné", sourit le directeur du laboratoire Guide, un centre unique en France d'homologation des applications de géolocalisation par satellite. Et un évangélisateur. La France a selon lui pris du retard dans le déploiement d'applications. Alors Xavier Leblan multiplie les occasions pour convaincre les industriels de ne pas rater l'opportunité liée au déploiement du EGNSS, le système européen de navigation par satellite (composé notamment des constellations de satellites Galileo et Egnos).

"Dans un an, la constellation Galileo sera déployée. Egnos est déjà opérationnel. Pourtant, les industriels français n'ont pas pris la mesure du potentiel et n'ont pas avancé sur les applications, regrette-t-il. Les États-Unis, la Chine, l'Inde et dans une moindre mesure l'Allemagne et l'Italie ont déjà pris de l'avance et vont imposer leurs innovations de rupture basées sur nos technologies. Pour trouver des marchés pour mon laboratoire, je n'ai pas d'autre choix que d'évangéliser."

Xavier Leblan n'est pas le seul à diagnostiquer un retard à l'allumage. Dans un rapport d'avril 2015, l'Agence spatiale européenne rappelle que les systèmes de navigation Galileo et Egnos ont été développés pour ne plus dépendre du GPS américain et capter une part significative du marché de la navigation satellitaire. Or, constate l'Esa, "à ce jour, le GPS reste pourtant la seule technologie utilisable". Cette technologie reçoit chaque année 3 milliards de dollars d'investissements (2,7 milliards d'euros) et impacte l'économie américaine à hauteur de 32 milliards de dollars (28,6 milliards d'euros).

Un marché de près de 100 milliards d'euros en 2022

L'Esa remarque également que si les entreprises européennes occupent habituellement un tiers des marchés de haute technologie, leur part dans la navigation satellitaire n'est que de 20 %. "En 2022, le marché mondial devrait représenter 110 milliards de dollars (98 milliards d'euros). Si les entreprises européennes comblent leur retard, elles pourraient accroître leur activité de 14 milliards de dollars, soit l'équivalent de 140 000 emplois", affirme l'Esa, qui conclut :

"Il faut soutenir l'industrie européenne pour qu'elle investisse et développe des technologies, des applications et des services de géolocalisation par satellite, et cela, sans attendre que Galileo soit opérationnel. Si rien n'est fait d'ici à 2020 et la première phase d'exploitation de Galileo, la fenêtre d'opportunité risque de se fermer pour l'industrie européenne."

 Sensibiliser les ingénieurs

Avec la GSA, l'agence européenne des systèmes de navigation par satellite, Xavier Leblan organise également une journée de formation pendant le Toulouse Space Show. L'objectif : sensibiliser les ingénieurs du spatial aux enjeux des applications de géolocalisation satellitaire, notamment pour les véhicules intelligents.

"Jusqu'à cette année, on ne pouvait pas parler d'applicatif au Toulouse Space Show, qui se dédiait aux infrastructures, s'étonne Xavier Leblan. Cela a changé cette année depuis que le Cnes a mis en place en janvier un département dirigé par Lionel Suchet, consacré aux innovations et aux applications. C'est pour ça que nous organisons cette journée de formation pour montrer aux ingénieurs comment s'appuyer sur les satellites pour développer des applications."

Des exemples d'applications de géolocalisation par satellite, Xavier Leblan en propose en série. "Dans certains pays, des assureurs proposent un boîtier qui enregistre le comportement de l'automobiliste, sa vitesse et sa conduite. Accepter d'en équiper son véhicule permet de diviser le prix de l'assurance par deux. C'est un produit similaire à l'Ican, fabriqué par Actia, explique l'ingénieur. Dans le ferroviaire, la géolocalisation par satellite permettrait de réaliser de très importantes économies en réduisant l'entretien des équipements au sol et en améliorant l'utilisation des réseaux."

Devenir la capitale européenne
des applications spatiales

Capitale européenne du spatial, Toulouse dispose-t-elle de toutes les compétences pour développer des applications de géolocalisation ?

"Oui, mais", répond Xavier Leblan :

"Beaucoup d'entreprises travaillent sur les systèmes embarqués, mais elles fonctionnent en mode ingénierie et n'ont pas la connaissance des marchés. Il n'y a par exemple à Thales Alenia Space qu'un seul spécialiste du ferroviaire, alors que c'est un marché important. Et le entreprises ont l'habitude de suivre des cahiers des charges envoyés par leurs donneurs d'ordres comme le Cnes ou l'Esa par exemple. Un client industriel ne fonctionne pas de cette façon. Il faut lui proposer quelque chose."

Pour saisir l'opportunité de développement offerte par les applications de géolocalisation, les entreprises du secteur devraient, selon Xavier Leblan, faire entrer un peu de marketing dans leur mentalité d'ingénieristes. "Les entreprises toulousaines ont du savoir-faire. Elles savent faire des infrastructures spatiales, mais cela ne suffit pas", estime-t-il. Et de s'interroger : "Nos industriels vont-ils avoir la maturité de faire des produits, ou vont-ils continuer à faire uniquement ce qu'on leur demande de faire ?"

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