Nouveaux métiers du carbone : ces emplois sans formation ou presque à Toulouse

Entre obligations réglementaires des acteurs industriels et pression environnementale sur les activités privées de la part des acteurs publics, les métiers en lien avec la comptabilité du carbone sont très demandés et recherchés. À Toulouse, certains acteurs tentent d’apporter une réponse, avec une offre de formation limitée. Décryptage.
À Toulouse, plusieurs jeunes pousses sont nées autour des métiers du carbone mais l'offre de formation est faible.
À Toulouse, plusieurs jeunes pousses sont nées autour des métiers du carbone mais l'offre de formation est faible. (Crédits : © AdobeStock)

Un article du Code de l'environnement rend obligatoire, depuis fin 2019, la réalisation d'un bilan d'émissions de gaz à effet de serre (BEGES ou bilan GES) au moins tous les trois ans. Sont concernés les services de l'État, les collectivités locales de plus de 50.000 habitants et les établissements publics de plus de 250 agents. Côté privé, les personnes morales de plus de 500 personnes doivent aussi répondre à cette obligation, tout comme les entreprises lauréates de subventions du plan France Relance, selon le ministère de l'Économie et des Finances.

Devant cette évolution réglementaire, certaines startups à Toulouse ont vu le jour avec la promesse de réaliser un bilan carbone complet, et surtout accompagner leurs clients sur les émissions de gaz à effet de serre et leur réduction. C'est notamment le cas de la jeune pousse Take Air.

« Nous sommes partis du constat qu'il y a une urgence climatique. Tout le monde parle de la nécessité de réduire son empreinte carbone, mais il n'existe aucun outil simple pour la calculer et tenter de la réduire. Par exemple, les cabinets de conseil vous proposent des tableurs Excel mises à jour tous les ans... », racontait à La Tribune quelques mois plus tôt Benjamin Vigneau, cofondateur de la startup, et CEO de Take Air.

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Cette dernière, qui va souffler bientôt sa seconde bougie, emploie déjà une dizaine de salariés et parvient à s'autofinancer avec ses premiers contrats. C'est aussi le cas pour DCO2, une autre startup toulousaine qui propose des services similaires à Take Air, qui a déjà conquis des grands noms de la filière aéronautique comme Daher ou Airbus Atlantic.

« Sur le premier semestre 2023, nous avons déjà signé le chiffre d'affaires de l'année 2022, nous sommes en auto-financement », se félicite Maxime Boiville, CEO de DCO2, qui démontre une nouvelle fois la forte croissance sur ce marché.

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Cette jeune pousse emploie elle aussi une dizaine de salariés avec 18 mois d'existence au compteur et la moitié sont des "experts" du management du carbone. « Au démarrage, nous voulions recruter des profils expérimentés sur ces sujets, mais ces profils n'existaient pas. Finalement, nous avons changé de stratégie et nous misons sur des jeunes en sortie d'école, qui font parfois leur stage de fin d'études chez nous et que nous formons à ces nouveaux métiers du moment qu'ils ont une certaine affinité environnementale. La comptabilité du carbone n'est pas d'une complexité énorme et un stage chez nous peut suffire à former un futur collaborateur », témoigne le dirigeant. Ce dernier projette cinq recrutements dans les douze prochains mois, dont trois sur ces métiers du carbone, et compte encore une fois former des jeunes profils néo-diplômés plutôt que se lancer dans un processus de recrutement hasardeux.

Besoin de plus de formations

Dans la Ville rose, l'offre de formation autour de ces métiers du carbone est quasiment inexistante. Dans la quatrième ville de France, l'INP est particulièrement à la pointe sur ce sujet avec son mastère spécialisé éco-ingénierie, qui intègre dans son cursus « le bilan carbone et le bilan GES réglementaire » ainsi que « l'analyse du cycle de vie » d'un produit.

« La formation n'est pas centrée sur les métiers du carbone, mais sur une approche transversale des métiers autour de la transition. Nous nous apercevons que tout ce qui touche à l'environnement connait une belle dynamique et encore plus depuis le début de la crise énergétique. Aussi, toutes les entreprises veulent à présent leur bilan carbone alors qu'auparavant elles ne prenaient pas cette obligation au sérieux. Cela encourage cet intérêt pour ces nouveaux métiers du carbone particulièrement, mais traiter la question du carbone toute seule n'a aucun sens », commente Roman Teisserenc, le vice-président écologisation à Toulouse INP et en charge du mastère spécialisé éco-ingénierie.

Sa formation, qui va souffler sa dixième bougie à la rentrée 2023, a commencé avec 25 élèves par promotion et forme depuis quatre ans une cinquantaine d'élèves chaque année face à la demande exponentielle dont fait l'objet cette formation.

« Nous, entreprise sur cette question du carbone, avons besoin d'une approche globale sur l'environnement dans la formation. Nos clients attendent de nous un regard d'expert et que nous soyons capables de répondre à toutes leurs questions qui touchent à l'environnement et l'écologie. Nos collaborateurs doivent donc avoir une culture globale sur l'environnement et pas seulement savoir faire des bilans carbone », appuie Maxime Boiville, louant ainsi l'approche de Toulouse INP sur ce sujet.

Porté par l'attractivité de cette formation, l'établissement d'enseignement supérieur a l'ambition d'intégrer un module sur l'environnement dans chacun de ses cursus afin que chaque étudiant qui passe entre ses murs soit véritablement sensibilisé à ces questions.

« La majorité des écoles d'ingénieurs particulièrement n'a toujours pas pris conscience du changement qui est en train de s'opérer et ne traite pas la question environnementale hormis avec quelques initiatives isolées. Pourtant, la demande de spécialisation des formations autour des transitions est de plus en plus présente chez nous et je pense que c'est aussi le cas ailleurs », critique Roman Teisserenc.

Du côté de DCO2, on attend impatiemment que les écoles d'ingénieurs se mettent davantage à la page sur ces sujets, à l'image de ce que propose l'INP de Toulouse afin d'avoir beaucoup plus de profils à disposition et ainsi répondre à la demande croissante des entreprises. Dans son cas, la startup toulousaine, qui vient d'adhérer au pôle de compétitivité de l'Aerospace Valley, souhaite se spécialiser dans l'accompagnement aux entreprises de l'aéronautique et du spatial face à leur forte présence à Toulouse. Avec l'espoir d'avoir les collaborateurs adéquats, sous peine de faire appel à des consultants externes à terme.

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Article issu de notre hors-série Le StartEmploi, à découvrir en totalité via le lien suivant : https://static.latribune.fr/2171609/startemploi-23-05-2023.pdf

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2023 à 11:15
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Ces nouveaux métiers disparaissent aussi vite qu'ils sont apparus , on les a vu éclore lors du passage à l'an 2000 puis lors des certifications iso ,pour l'établissement du document unique prévention aujourd'hui avec les normes rse et donc pour le c...

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