Pourquoi le président de l'université Jean-Jaurès soutient le nouveau projet Idex

Le Mirail, ou plutôt l’université Jean-Jaurès comme on l’appelle aujourd’hui, est un peu sa deuxième maison. Élu président de l'établissement en mai 2016, Daniel Lacroix, originaire de Dordogne, fréquente les allées de cette université toulousaine depuis plus de 30 ans. Professeur de lettres classiques et médiéviste littéraire, il explique pourquoi il soutient le dossier Idex porté par Philippe Raimbault et revient sur les spécificités de l'Université Jean-Jaurès, "la seule université de France entièrement reconstruite". Entretien.
Daniel Lacroix, président de l'université Jean-Jaurès

Le sujet d'actualité pour l'Université de Toulouse est la nouvelle candidature à l'Idex, sur laquelle le jury international doit bientot se prononcer. Quelle est votre position sur ce dossier ?

L'Idex est un dossier compliqué. Cela fait des années que je l'accompagne. Toulouse a de vrais atouts avec trois universités, des écoles... Avant 2012, nous étions lauréats de l'Idex sur des bases que je reconnaissais pas, avec le projet Uniti. De 2012 à 2015, il y a eu des révisions sur une base confédérale, ce qui a donné lieu à la Comue, que nous pensions compatible avec les exigences de l'Idex. Cependant, il y a des choses que nous n'avions pas mises en place, comme la signature unique, une stratégie scientifique du site ou un doctorat de site. Il nous semblait donc que nous allions bénéficier d'une extension de la phase probatoire, mais le jury a finalement décidé de nous recaler (en avril 2016 NDLR). Cette décision est tombée quelques jours avant mon élection donc, dès le début de mon mandat s'est posée la question : comment rebondir ?

Le nouveau projet prévoit deux niveaux de gouvernance avec un "noyau dur" et un "deuxième cercle" de membres. L'université Jean-Jaurès a choisi de faire partie du "noyau dur", pourquoi ce choix ?

Aujourd'hui, chacun veut garder ses prérogatives mais si l'on reste sur ce modèle, nous essuierons un refus. Je voyais des forces de synergie possible avec l'université Paul Sabatier et les écoles d'ingénieurs. De son côté, l'université Capitole souhaite un établissement élitiste, porté par TSE, en résumé. J'ai fait le pari de travailler avec UT3 à la création d'un autre modèle afin de structurer le site pour être compatible avec les exigences de l'Idex. Il fallait au moins que deux universités s'engagent fortement.

Comprenez-vous les réserves d'UT1 qui craint une fusion et ne souhaite pas perdre sa personnalité juridique ?

Ce nouveau projet n'est pas une fusion, contrairement à ce que disent les opposants, mais une intégration. Pour l'instant, il n'existe aucun modèle juridique de ce type. Je regrette qu'UT1 n'ait pas voulu rentrer dans le projet car il est important que nous mutualisions les missions que l'on gagne à faire ensemble, que ce soit en matière de recherche, de formation doctorale, de visibilité à l'international. À l'inverse, il faut garder de la proximité pour gérer ce qui n'a pas besoin de remonter : l'essentiel des formations, le recrutement des enseignants-chercheurs... C'est le modèle que je défends mais on ne sait pas trop jusqu'où on devra aller juridiquement.

Ce modèle suscite des craintes, je le comprends. Les étudiants ont peur de voir les frais de scolarité augmenter, les personnels craignent des économies d'échelle et les enseignants redoutent un pilotage technocratique. Il est certain que ce nouveau cadre sera par ailleurs plus exigeant en termes de recherche.

La fusion crée trop de difficultés car les établissements sont trop gros, et le but n'est pas de générer plus de technocratie. Le modèle souhaité par UT1 rassemble les structures de recherche principales afin de récupérer les financements. Cela n'apporte rien à la structuration du site, même si c'est positif en matière de visibilité à l'international. C'est pourquoi je défends ce modèle d'intégration.

Avant le verdict du jury qui doit tomber la semaine prochaine, comment vous situez-vous ?

Je suis un peu scandalisé des conditions dans lesquelles nous avons travaillé. Si le modèle de la Comue ne convenait pas, il fallait que le jury le dise avant. La convention attributive a été validée par le Premier ministre en 2013. Nous avons perdu des années. Il est facile aujourd'hui de dire que nous n'avions pas compris, mais la Comue de Paris est aujourd'hui dans une phase d'observation prolongée, nous ne sommes donc pas les seuls à avoir choisi ce modèle.

Si le nouveau projet est refusé, il faudra se réorganiser. Lyon a un Idex. Montpellier, Pau et Clermont ont été labellisés I-site. Nous serions un peu isolés et il est aujourd'hui difficile de ne pas avoir de label.

Vous avez passé les 30 dernières années à l'université Jean-Jaurès en tant qu'étudiant et professeur, et vous avez connu de nombreux changements. Avec le nouveau campus inauguré au mois de novembre dernier, vous récupérez un très bel outil de travail...

Au final, j'ai connu des travaux pendant 20 ans avec, dans le milieu des années 1990, l'agrandissement de la bibliothèque universitaire, l'Arche, la première partie de la Maison de la Recherche notamment. Plus tard, il y a eu l'UFR de Langues mais c'était davantage au coup par coup, sans unité de style, sans que se pose la question du campus.

Aujourd'hui, nous avons un campus rationalisé. L'impulsion a été donnée par le président Filatre, avant qu'un dossier soit déposé auprès du ministère en 2012, sous la présidence de Jean-Michel Minovez. La dernière phase s'est terminée lors de ma prise de fonction en mai 2016. Nous sommes la seule université de France à avoir été entièrement reconstruite. C'est un projet de 202 M€ qui nous permet d'avoir aujourd'hui un outil exceptionnel.

Ce nouveau campus vous permet-il d'absorber l'augmentation constante d'étudiants à l'université Jean-Jaurès ?

Il est important de rappeler que nous avons des sites délocalisés (cf. encadré) et que l'ensemble des 30 400 étudiants ne se trouve pas sur le campus du Mirail. Cependant, la croissance du nombre d'étudiants est une vraie problématique car nous en comptions 23 000 il y a seulement 5 ans, contre plus de 30 000 aujourd'hui. De plus en plus de lycéens se lancent dans les études post-bac en espérant s'insérer plus facilement dans le marché du travail, et l'université reste ouverte à tous. Derrière les grandes écoles et les écoles d'ingénieurs, nous épongeons un peu mais nous sommes proches du maximum.

À ce propos, que pensez-vous de la volonté de Bertrand Monthubert, dans le livre blanc de l'Enseignement supérieur et de la recherche, d'atteindre 60 % d'une classe d'âge titulaires d'un M2 ?

C'est souhaitable si cela peut être absorbé au niveau de l'emploi, en termes de recrutement. Si les employeurs continuent de privilégier des bac +2 ou des licences, ce n'est pas envisageable. Il faut que le grade de master et les doctorats soient davantage reconnus. Cela dit, c'est un horizon et quand s'est posée la question des 80 % de bacheliers, beaucoup pensaient que c'était impossible. Mais on y est arrivé. C'est un choix de société.
Pour information, au sein de l'université Jean-Jaurès, le taux d'insertion à 30 mois est de 85 % tous diplômes confondus. C'est moins que dans les autres universités, car nous avons plus de formations académiques et généralistes.

Vous étiez vice-président de l'UT2 en charge de la recherche de 2012 à 2016. Quelles sont vos ambitions dans ce domaine ?

C'est peu connu mais nous avons des laboratoires au sein de la Maison de la Recherche. Notre université est spécialisée en sciences humaines et sociales et nous avons une réputation nationale en matière de recherche fondamentale.

Mais de nouvelles formes de recherche se développent à l'université Jean-Jaurès. Par l'intermédiaire des contrat de plan État-Région, nous avons pu créer quatre plateformes de valorisation de la recherche, dont la plateforme expérimentale d'étude des comportements alimentaires (OVALIE) sur le campus toulousain et une plateforme de design (MICA) en cours d'installation à Montauban. Nous sommes en lien avec le secteur privé et avec Toulouse Tech Transfer pour la valorisation de notre recherche.

Le gros problème de notre université, ce sont les moyens. Le budget de fonctionnement de la recherche s'élève environ à 1,5 M€ en dehors des bâtiments et des salaires des enseignants-chercheurs. Nous avons donc du mal à être cofinanceurs dans les appels à projets même si nous disposons de ressources propres : contrats de recherche, taxe d'apprentissage, formation continue, partenariats avec le privé.

Vous avez mis en place une nouvelle offre de formation à la rentrée 2016. De quoi s'agit-il ? Y a-t-il une volonté de faire plus de place au numérique ?

Il y a eu un gros travail de fait en 2014 et 2015. Nous avons créé une licence Sciences sociales à Foix et l'Institut d'arts appliqués couleur image design, à Montauban. Une filière cinéma a également été mise en place en lettres.

Pour ce qui est du numérique, c'est une des priorités du troisième Programme d'investissement d'avenir. Cela touche à la pédagogie et donc à la volonté des enseignants-chercheurs, mais il y a une vraie ambition d'intégrer le numérique. Les vice-présidents en charge du Numérique et de la Formation travaillent ensemble pour accompagner les enseignants volontaires. C'est clairement l'avenir de la formation.
Les étudiants sont de plus en plus connectés et il faut prendre cela en compte mais il ne faut pas croire que cela va régler les problèmes de sureffectif et il ne faudrait pas arriver à une déshumanisation de la formation. Les outils numériques demeurent des compléments indispensables mais il est important de garder le contact. Il est aujourd'hui essentiel de savoir identifier ses sources et cela doit être intégré à la pédagogie.

Par ailleurs, nous avons déjà mis au point quelques Moocs, en psychologie par exemple, qui sont une manière d'attirer les personnes vers nos formations payantes. Enfin, l'université doit être plus ouverte et c'est pour cela que nous avons beaucoup œuvré pour la mise en ligne des produits de la recherche.

L'université Jean-Jaurès en chiffres

- 180 M€ de budget global
- 230 000 m² de campus
- 94 000 m² de bâtiments rénovés ou reconstruits
- 30 400 étudiants
- 1 220 enseignants et enseignant-chercheurs
- 850 personnels administratifs
- 5 UFR : Histoires, Arts et Archéologie ; Langues, Littératures et Civilisations étrangères ; Lettres, Philosophie et Musique ; Psychologie ; Sciences, Espaces et Sociétés
- 3 sites en région : Cahors, Foix et Montauban
- 5 instituts dont 2 IUT à Blagnac et Figeac
- 3 écoles : l'École supérieure d'audiovisuel (Esav), l'Institut supérieur du tourisme de l'hôtellerie et de l'alimentation (Isthia) et l'École supérieure du professorat et de l'éducation.

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