Des drones sur Mars, une future spécialité toulousaine ?

Faire voler un drone sur Mars, l'idée n'est pas si folle. Depuis 2013, la Nasa elle-même étudie le projet d'envoyer un mini hélicoptère sur la Planète rouge pour assister le véhicule Curiosity. En France, la seule étude sur le sujet est menée à Toulouse par Thibault Désert. Les travaux de ce doctorant à l'Isae-Supaero et l'Onerapourraient servir de base à la conception du système de propulsion du futur drone martien.
Bientôt un drone sur Mars (montage).

À 23 ans, Thibault Désert est un doctorant heureux. Spécialisé à l'Insa dans l'optimisation mathématique, ce jeune homme originaire de Rennes vient de débuter une thèse faisant suite à une étude préalable de l'Onera sur la faisabilité et la possibilité de faire voler un micro-drone dans l'atmosphère martienne. "Quand j'ai reçu l'offre de thèse, cela m'a fait rêver". Et pour cause. Si ses travaux se concrétisent, menés sous la direction de Jean-Marc Moschetta (Supaero), le futur président du GIS Micro-Drones et Hervé Bezard (Onera) pourraient contribuer à faire avancer l'exploration martienne.

Sur Mars, un drone pourrait être utile à plus d'un titre. Associé à un véhicule d'exploration comme Curiosity, il permettrait d'optimiser les déplacements. "Pour déterminer le parcours de Curiosity, celui-ci photographie son environnement immédiat, envoie les images à la Terre qui les analyse puis envoie des directives, explique Thibault Désert. Mais, à moins d'être sur une plaine, le relief réduit la visibilité du rover. Un drone pourrait s'envoler et récolter des informations sur un périmètre plus large."

Dans un second temps, un drone pourrait également réaliser des prélèvements dans des zones escarpées, lointaines et inaccessibles aux lourds engins d'exploration. "Des traces sombres ont été repérées en haut des montagnes, révélant la présence possible de sels minéraux hydratés. Un micro-drone pourrait facilement se rendre sur place et prélever quelques échantillons."

Contraintes martiennes

Pour mener à bien cette mission, un drone devrait néanmoins s'équiper de capteurs qui l'alourdiraient. Un premier problème pour Thibault Désert car "si on veut faire voler un drone de 30 centimètres de diamètre sur Mars, il doit être léger".

Or, les caractéristiques de l'atmosphère martienne diffèrent de celle sur Terre. Si la gravité est environ trois fois moins forte sur Mars, la densité de l'air, composé de CO2, y est 100 fois plus faible que sur Terre.

"Ils est donc plus difficile de créer un mouvement dans le gaz atmosphérique permettant de soutenir l'appareil, explique le doctorant. Pour prendre de la hauteur, soit on fabrique un appareil plus grand, soit on fait tourner les pâles plus rapidement pour augmenter la portance." Une solution limitée néanmoins car une vitesse de rotation proche de la vitesse du son créerait fortes trainées qui pénaliseraient de manière significative les performances de l'appareil."

Les températures, situées entre - 90 ° C et - 20 ° C, sont à prendre en compte également. "Cela influera sur la durabilité des matériaux et l'autonomie des batteries, précise Thibault Désert. Il faudra travailler sur l'isolation et la répartition de la chaleur."

Des pales comme des ailes d'insecte

Malgré ces difficultés, Thibault Désert l'assure : "la faisabilité a été prouvée théoriquement par des études préliminaires menées à l'Onera en collaboration avec l'Isae". D'ailleurs la Nasa s'est déjà attelé à la tache. Depuis 2013, son Jet Propulsion Laboratory travaille sur un drone d'environ un mètre qui, sans rentrer en contact avec le rover, permettrait de "tripler sa distance parcourue chaque jour", selon Matthew Golombek, le scientifique responsable du projet, cité par le Pasadena Star News.

"Contrairement à notre micro-drone qui se rechargerait sur le rover (ce qui lui donnerait plusieurs dizaines de minutes d'autonomie), celui de la Nasa serait autonome grâce à un panneau solaire lui fournissant assez d'énergie pour un vol de quelques minutes par jour, ajoute Thibault Désert. La Nasa ne veut pas qu'un engin volant s'approche de Curiosity, afin de limiter les risques de collision."

S'il ne compte pas rivaliser avec le projet de la Nasa, Thibault Désert a déjà son calendrier bien en tête. Dans un premier temps, le jeune homme va essayer de définir la forme de rotor la plus performante pour assurer la portance optimale du micro-drone. "Celui-ci n'aura pas forcement la même forme que les drones terriens, imagine-t-il. Les pales pourraient ressembler davantage à des ailes d'insectes."

En 2016, les premiers tests commenceront dans un caisson de 18 mètres cube de l'Onera, où il sera possible de recréer les conditions de pression et de composition atmosphérique martiennes. "On peut espérer qu'en 2017, on aura un système de propulsion performant, veut-il croire. Et si le projet intéresse l'Esa et le Cnes, il sera peut-être prolongé pour aboutir à l'envoi d'un drone sur Mars dans quelques années."

Cette perspective en tête, Thibault Désert travaille d'arrache-pied : "Cela me motive pour aller le plus vite possible, s'enthousiasme-t-il. Si cela peut faire avancer la science, ça serait beau."

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.