Lorsqu'on l'appelle pour en savoir plus sur lui, il est à Boston pour finaliser l'acquisition d'une nouvelle société spécialisée dans les services d'ingénierie côtière. Souvent entre deux avions, Christophe Vassal poursuit la stratégie de développement de CLS, société créée par le Cnes en 1986, dont il fut l'un des premiers employés. "Je suis la moitié de mon temps en mission à l'étranger pour diriger le groupe, certes, mais également pour faire avancer les grands projets structurant pour CLS", précise le président du directoire.

L'entreprise toulousaine d'applications et de services satellitaires, plutôt discrète malgré ses réussites et son importance dans l'écosystème toulousain (650 personnes dans le monde et 120 M€ de CA), a beaucoup fait parler d'elle en 2016. Elle était ainsi impliquée dans la surveillance des skippers du Vendée Globe après avoir été sollicitée en juin dernier pour le nettoyage de la baie de Rio en vue des JO. Deux événements médiatiques qui ont mis sur le devant de la scène son président du directoire, Christophe Vassal.

Une carrière dédiée à CLS

Titulaire d'une maîtrise de physique à Toulouse et ingénieur océanographe diplômé de l'ENSTA, Christophe Vassal a effectué toute sa carrière au sein de CLS. "C'est une société passionnante, affirme-t-il. Nous sommes au plus près des changements de la planète. Nous voyons en direct, par exemple, que la mer monte de 3 à 4 mm par an depuis 1992." D'abord ingénieur d'affaires scientifique, ce Toulousain de naissance passe ensuite 5 ans aux États-Unis pour développer la filiale locale. "Business developper dans l'âme", comme il aime à se définir, il a pris, progressivement, de plus en plus de responsabilités dans l'entreprise.

"L'année 1991 est peut-être le tournant de ma carrière. Parti pour deux ans diriger la filiale américaine du groupe, CLS America, ARGOS Inc a l'époque, je ne suis rentré en France que 5 ans plus tard, après avoir notamment déployé cette nouvelle offre pêche au Mexique et au Pérou."

Fort de cette expérience de direction et jeune père de deux enfants, il rentre en France en 1996. La même année, il est nommé directeur adjoint, bras droit de Michel Cazenave, le directeur général de l'époque. Un retour dans la Ville rose qui trace définitivement sa route jusqu'à la direction générale, qu'il prend en 2002. À ce poste, il garde son âme de développeur et permet à CLS de poursuivre sa croissance "avec mesure, précaution et bon sens", assure-t-il.

Une montée en puissance que Christophe Vassal a mené avec un maître-mot, "la diversification". Le groupe toulousain est aujourd'hui présent dans six secteurs d'activités : la surveillance environnement, la gestion durable des ressources marines, la sécurité maritime, l'énergie et les mines, les flottes et l'espace.

Car la diversification souhaitée par Christophe Vassal ne se limite pas au secteurs d'activités. L'entreprise se déploie à l'international, notamment par croissance externe. Sous sa direction, CLS passe à la surveillance par radar et par drone et devient une multinationale de 20 bureaux et filiales répartis sur cinq continents. Une stratégie qui réussit à l'entreprise toulousaine, puisque celle-ci vise les 150 M€ de chiffre d'affaires en 2018. Comment expliquer alors que ce fleuron de l'excellence toulousaine en matière de spatial ne soit pas plus connu du grand public ?

Un homme discret

Cela s'explique en grande partie par la personnalité de son dirigeant. Avenant et cordial, Christophe Vassal reste cependant secret et ne se livre pas facilement. "Je suis quelqu'un de normal", assure-t-il, presque étonné que l'on souhaite faire son portrait. Tout juste explique-t-il qu'il aime beaucoup la voile et qu'il a toujours été attiré par la mer, ce qui a sans doute aussi influencé sa carrière. "C'est peut-être dû à mon père, qui était capitaine au long court lorsque j'étais enfant", analyse-t-il des années plus tard.

Passionné de nature et d'activités de plein air, il a d'ailleurs possédé un voilier qu'il a revendu à son départ aux États-Unis. Toulousain de naissance, la vie urbaine n'est pas son fort. "Quand vous avez passé des heures au bureau ou en voyage, vous avez envie de vous retrouver au calme, en famille." Comme dans la grange en montagne qu'il a rénovée pour aller skier ou faire des randonnées. Pour ce passionné de voyages, qui aime découvrir de nouvelles cultures, de nouvelles gastronomies, les missions à l'étranger ne sont pourtant pas une contrainte. "Je suis plus un épicurien qu'un stoïcien", reconnaît-il dans un rire.

Il n'aime pas se placer dans la lumière. Brillant, il prend très peu la parole dans les médias - ce qui a parfois pu lui être reproché par le passé - et préfère mettre en avant ses collaborateurs pour expliquer la réussite de CLS. "Je suis très bien entouré, les hommes et les femmes de CLS sont des collègues, des partenaires et des amis à qui il faut rendre hommage", insiste-t-il.

Pourtant, si l'on en croit Baudouin d'Hérouville, vice-président du conseil de surveillance de la société, CLS lui doit beaucoup. "Christophe Vassal est vraiment l'artisan de la success story de cette ETI. Il a une vision claire de là où il veut emmener la société", assure le managing director d'Ardian, qui détient un tiers du capital de CLS depuis 2013. Une entrée au capital "qui démontre toutes ses qualités", selon Joël Barre, président du conseil de surveillance de CLS. "

Il a su faire entrer Ardian au capital aux côtés de deux institutions publiques comme l'Ifremer et le Cnes. Il sait s'adapter aux différentes méthodes de travail et c'est un fin négociateur."

"C'est quelqu'un d'humain, d'affable, d'abordable. Vous ne trouverez pas grand-monde pour dire du mal de Christophe Vassal, chez CLS ou en dehors", affirme même Joël Barre, directeur général délégué du Cnes. Et il vrai que tout le monde semble l'apprécier, quand lui-même assure ne pas avoir d'ennemis. Tout juste consent-il à parler de "mauvais coups" de la part de concurrents. "Mais c'est le business", nuance-t-il aussitôt.

Un manager ouvert

Désigné manager de l'année lors de Biznext 2016, Christophe Vassal prône un management "collégial". "Je crois en la force du groupe et pas seulement au niveau de mes équipes de direction. Ma porte est toujours ouverte", explique-t-il. CLS a d'ailleurs entamé sa transformation. Baptisée Odyssée 2018, l'opération permet à tous les salariés qui le souhaitent de s'engager dans différents chantiers : innovation, organisation, communication, performance, motivation. "Des idées venues des quatre coins du globe et de tous les niveaux de l'entreprise qui nous permettent de construire ensemble le CLS de demain", note Christophe Vassal.

"Il a une très bonne capacité d'écoute et de remise en cause, même s'il sait décider, confirme Baudouin d'Hérouville. Il est à la fois accessible et pragmatique. C'est une force tranquille. Il sait où il va sans se soucier de paraître."

Pour Christophe Vassal, l'avenir de CLS sera "drivé par l'innovation. Cela passe par des lieux où l'esprit de créativité pourra s'exprimer." La société a également lancé une mission innovation afin de faire émerger et de catalyser les bonnes idées au niveau du groupe à l'aide de ce qu'il appelle "un superportail collaboratif qui facilitera les échanges et l'esprit d'entreprise". Et "cette merveilleuse aventure a encore de beaux jours devant elle", assure le président du directoire.

De son côté, Christophe Vassal s'imagine déjà en train de voguer vers d'autres horizons. "À 58 ans, j'ai encore le temps, mais ce sont des choses qui se préparent", avoue-t-il. D'ici 1 à 2 ans, il envisage d'acheter un nouveau voilier pour voyager en famille. Et revoir de près ce qu'il observe depuis tant d'années depuis l'espace, l'océan.