Les 40 qui font Toulouse (6/7) : les "nouveaux"

Ce sont les personnalités les plus influentes de Toulouse. Chefs d'entreprise, élus, chercheurs, décideurs ou entrepreneurs, ils marquent de leur action la vie économique de Toulouse. Ils sont réunis dans un trombinoscope inédit par La Tribune Toulouse. Sixième volet : les "nouveaux".
Jean-Nicolas Baylet, Mélanie Tisné Versailles, Simon Vacher, Shannon Picardo, Aymeric Barthes et Gaetan Séverac, Matthieu Claybrough

Jean-Nicolas Baylet, directeur général du groupe La Dépêche du Midi

jean nicolas baylet

©photo Laurence At

À 32 ans, Jean-Nicolas Baylet incarne l'avenir du groupe La Dépêche du Midi. Un groupe "dont on parlait dans tous les repas de famille, confie-t-il. Une entreprise familiale est omniprésente dans votre vie." Pourtant, le fils de Jean-Michel Baylet et petit-fils de Jean Baylet assure ne pas avoir eu de pression au moment de choisir sa carrière : "Si je n'avais pas eu d'affinités avec ce milieu, j'aurais pu faire autre chose." Dans son cursus, c'est d'ailleurs ce qu'il fait, préférant l'entrepreneuriat et la gestion avec notamment un diplôme de l'EM Lyon Business School. Il passe ensuite deux ans à l'étranger, d'abord à New York pour Natixis, puis en Argentine pour le groupe Pierre Fabre. "J'ai découvert d'autres façons de travailler comme le pragmatisme à l'américaine", explique-t-il. Le VIE en Argentine lui a rappelé "l'importance de la culture d'entreprise, même au-delà des frontières".

Moderniser et pérenniser le groupe

En janvier 2011, il est nommé directeur délégué du groupe La Dépêche du Midi avant de devenir directeur général adjoint en septembre 2012. "L'envie s'est développée au fil du temps. Durant mes études, je suis resté attentif à l'évolution des médias et cela avait du sens d'y revenir compte tenu de mon expérience", souligne Jean-Nicolas Baylet, directeur général depuis septembre 2014. Présidé par sa mère Marie-France Marchand-Baylet depuis la nomination de son père comme ministre en février dernier, le groupe emploie près de 1 800 salariés et enregistre un chiffre d'affaires d'environ 250 M€. Il édite aujourd'hui 6 quotidiens, après l'acquisition du groupe Les Journaux du Midi en juin 2015. Une fusion accompagnée d'une baisse des effectifs dénoncée par les syndicats, qui avançaient le chiffre de 346 suppressions d'emploi à l'époque. "Cette fusion est toujours en cours", insiste Jean-Nicolas Baylet, soulignant le "contexte complexe" des médias. "Ce n'est pas évident car il y a des cultures d'entreprises différentes, des méthodes de travail différentes... Les deux groupes étaient plus ou moins concurrents." Comme dans beaucoup de secteurs en difficulté, "il y a une logique de concentration", rappelle-t-il. Une concentration qui ne l'inquiète pas malgré les accusations répétées de l'opinion envers les médias. "Aujourd'hui, il n'y a pas de situation de monopole. L'offre d'information est très importante. Notre plus gros concurrent, ce sont les réseaux sociaux. 44 % des Américains ne s'informent que par Facebook", relève Jean-Nicolas Baylet.

Un bouleversement qui a un impact sur les activités du groupe. De son propre aveu, un des enjeux du directeur général est "d'insuffler la culture de l'innovation et l'agilité qu'implique la diversification des activités". Pas évident au sein d'une vieille dame de 146 ans "monoactivité pendant 135 ans", pointe-t-il. Adepte d'un "management participatif et très responsabilisant", Jean-Nicolas Baylet souhaite, "sans avoir de solution miracle", retrouver un modèle économique pérenne et revenir à l'équilibre. "Le modèle économique est fragile, note-t-il. La situation est paradoxale puisqu'on n'a jamais fait aussi bien en termes d'audience. Mais les revenus sont mis à mal par la gratuité sur internet et la baisse de la publicité."

 Simon Vacher, manager du Connected Camp

simon vacher connected camp

©photo Rémi Benoit

Manager du Connected Camp depuis un an et demi, Simon Vacher est avant tout un passionné de voyages. Sorti de l'Icam de Toulouse en 2012, le jeune homme a monté avec Bertran Ruiz, lui-même diplômé de cette école, la startup Wimha.  "Il s'agit de partager ses bons plans musique, ciné, gastronomie, dans le monde entier, pour les gens qui ont envie de découvrir une culture sans se fier aux clichés", expliquent-ils alors. En parallèle de cette expérience entrepreneuriale, les deux ingénieurs sont à l'initiative des événements Traveler on Stage, sorte de TedX du voyage. Le principe est simple : au cours d'une soirée, neuf "voyageurs ordinaires" ont six minutes chacun pour présenter leur expérience à l'aide de 18 photos. Le rendez-vous annuel a conquis Paris, Toulouse, Bordeaux et même deux villes bulgares.  En revanche, la startup Wimha a cessé son activité au cours de l'année 2015. "Nous n'avons pas pu bénéficier d'un écosystème pour générer la traction nécessaire à notre startup", estime aujourd'hui Simon Vacher. Avec le Connected Camp, ce Toulousain de 27 ans espère rectifier le tir. Sa mission est de fédérer autour des startups accompagnées des mentors et de grands groupes pour "faire de l'IoT Valley un centre européen voire mondial de l'internet des objets". Son autre rôle est de détecter des pépites à l'étranger qui pourrait s'installer dans la région toulousaine. Son ami Bertran Ruiz est l'autre copilote du Connected Camp et se charge de son côté du développement commercial et "d'une vision à long-terme" de la structure.

Lire aussi : Une Silicon Valley de l'IoT à Labège ? Notre dossier complet

Matthieu Claybrough, directeur technique de Donecle

Matthieu Claybrough

©photo Rémi Benoit

L'entreprise qu'il a cofondée en 2015 a le potentiel pour bousculer réellement les habitudes du milieu aéronautique. Diplômé de l'Isae-Supaero et de Polytechnique, Matthieu Claybrough et ses associés ont développé un système d'inspection automatique utilisant des drones pour repérer les dommages sur les carlingues d'avion. L'intérêt : réduire les durées d'immobilisation au sol des appareils de cinq heures à vingt minutes par exemple pour inspecter les 300 étiquettes réglementaires présentes sur les fuselages. Une idée qui séduit le secteur puisque Matthieu Claybrough a reçu plusieurs prix depuis un an (Jeune Ingénieur Créateur, La Tribune Jeune Entrepreneur, Innovateur de moins de 35 ans du MIT et Prix Galaxie 2016). En novembre, la startup a signé un partenariat avec Air France Industries qui teste ses produits et pourrait en acquérir prochainement. La commercialisation devrait commencer début 2017. En attendant, Donecle a levé un million d'euros auprès de Drone Invest, une filiale de Delta Drone, pour doubler son effectif et recruter cinq personnes.

Lire aussi : Donecle noue un partenariat avec Air France Industries et lève un million d'euros

 Shannon Picardo, fondateur de SchoolMouv

shannon picardo

©photo Rémi Benoit

Shannon Picardo fait partie de cette génération d'entrepreneurs très précoce. C'est à l'âge de 17 ans qu'il a l'idée de Schoolmouv. Le lycéen aveyronnais est alors en pleines révisions du bac : "Je n'avais pas les moyens de me payer des cours particuliers. J'ai trouvé sur Youtube des vidéos de profs se filmant avec leur webcam. J'ai eu 16 à mon épreuve de géo !", se rappelle le jeune homme.

Une fois son bac en poche, il intègre l'incubateur de l'école TBS avec un concept simple : créer une plateforme de vidéos en ligne écrites par des profs et jouées par des comédiens pour permettre aux élèves de réviser toutes les matières des épreuves du brevet et du baccalauréat. La première vidéo mise en ligne à la rentrée 2013 recueille plus de 30 000 visites. Aujourd'hui, Schoolmouv a produit plus 600 vidéos et travaille avec 80 profs. Au cours de l'année 2016, les effectifs de sa startup sont passé de 6 à 22 salariés. En juin, il réussit à convaincre de grands noms du web comme Xavier Niel via le fonds Kima  et Frédéric Mazzella, le président de Blablaca, pour une levée d'1 million d'euros. Un parcours fulgurant à tout juste 23 ans. Shannon Picardo dit avoir été très influencé par l'inventeur de Facebook Mark Zuckerberg : "Pour toute une génération de startuppers, savoir qu'il a pu créer son site alors qu'il était encore étudiant à l'université a été un moteur. Il y a cette démocratisation culturelle et puis des outils techniques pour créer sa boîte en 10 clics. Sans Youtube, je n'aurai jamais pu lancer Schoolmouv."

Mélanie Tisné-Versailles, directrice du Laboratoire des Usages

©photo Rémi Benoit

Mélanie Tisné-Versailles est depuis le mois d'octobre la nouvelle directrice du Laboratoire des Usages, une structure financée par Toulouse Métropole qui recueille l'avis des citoyens pour mettre en place des services de smart city. Agée de 33 ans, elle a débuté sa carrière sous l'étiquette grand groupe : "J'ai travaillé dans la section marketing de L'Oréal à Londres, puis à Milan en tant que directrice marketing internationale pour un groupe de design et de merchandising", se remémore-t-elle. En 2010, elle se lance dans le bain de entrepreneuriat en fondant la startup Urban Challenge. L'idée est de solliciter des pompiers ou des athlètes de haut niveau pour réaliser des séances d'entraînement collectives et en plein air. Le concept fait mouche à Lyon et Paris. La startup en pleine croissance a réalisé 480 000 euros de chiffre d'affaires en 2015, compte 10 collaborateurs et 80 coaches sportifs. La Toulousaine fait son retour dans la Ville rose en 2015 en rejoignant Ekito pour s'occuper de la stratégie et du programme d'accélération startup. Elle donne aussi des cours en marketing et innovation à l'IAE de Toulouse et est mentor au sein de la Corsican Tech. En remportant l'appel d'offres du Laboratoire des Usages (jusqu'ici chapeauté par La Mêlée), Mélanie Tisné-Versailles veut mettre l'accent "sur des problèmes concrets" : "La grande nouveauté est que nous proposons une autre méthodologie. Nous allons mettre en place dans la ville des nacelles qui sont des mobiliers urbains circulaires que l'on peut installer en dix minutes et qui nous permettent d'aller à la rencontre des citoyens dans la rue. Nous choisirons des sujets précis et proposerons aux gens de s'exprimer sur le sujet pendant 40 minutes, accompagnés d'un expert." Mélanie Tisné-Versailles va interroger les habitants sur la volonté de la Métropole de laisser les herbes folles pour limiter l'usage de produits phyto ou encore sur une application de civic tech pour stimuler la participation citoyenne via les outils numériques.

 Lire aussi : Smart city : quel bilan pour la stratégie de Toulouse Métropole ?

Aymeric Barthès et Gaëtan Séverac, fondateurs de Naïo technologies

naïo technologies

©photo Rémi Benoit

C'est en déambulant à la fête de l'asperge à Pontonx-sur-l'Adour, au cœur des Landes, que  Gaëtan Séverac a eu l'idée en 2010 de créer un robot de désherbage mécanique. Alors doctorant en robotique, il rencontre un producteur d'asperges qui lui fait part de ses difficultés à trouver de la main-d'œuvre pour ramasser les légumes, une tâche difficile et pénible. Le jeune ingénieur décide de s'associer avec un des ses camarades de promo, Aymeric Barthès, pour créer un robot de désherbage mécanique. Équipé d'une caméra et disposant d'une autonomie de 4 heures, Oz remplit le job pour moins de deux euros par hectare et sans produits chimiques. Six années ont passé et leur startup Naïo Technologies est d'ores et déjà l'une des plus belles réussites de l'écosystème régional avec 350 000 euros de chiffre d'affaires en 2015 (le double prévu en 2016) et la startup espère atteindre la barre de 20 salariés.

Les deux Toulousains connaissent bien leur sujet, ils sont tous les deux issus du milieu agricole. "Gaëtan a de la famille dans le maraîchage et, de mon côté, dans les grandes cultures, les céréales. La pénibilité dans le travail, on la voyait bien", explique Aymeric Barthès. "Audacieux", "visionnaires" et "humbles", sont les qualificatifs qui reviennent le plus dans la bouche des collaborateurs de Gaëtan et Aymeric. Jérémie Loevenbruck, cofondateur du bureau d'études Palanca (qui les a accompagné dans leur démarche RSE), témoigne ainsi : "Gaëtan, c'est le géo-trouve-tout, l'inventeur génial, un rêveur qui a plein d'idées, même s'il ne les mène pas toutes à bout. Il est capable de vous parler de l'avenir des robots agricoles dans 1 000 ans. C'est aussi quelqu'un de très concerné par les enjeux environnementaux. Mais dans le même temps, il reste humble. Aymeric est quant à lui plus pragmatique, il est très efficace, organisé et c'est un vrai fonceur. Il a aussi une forte conscience sociale. Ce sont tous les deux des visionnaires mais, en même temps, ils gardent les pieds sur terre."

Production locale et gouvernance collégiale

Pour Naoile Jouira, coordinatrice du Mouves (mouvement des entrepreneurs sociaux), la jeune société est "le parfait exemple de l'entreprise qui parvient à concilier rentabilité économique, conscience sociale et environnementale". Les robots sont fabriqués localement grâce à des sous-traitants à Montauban et Rodez pour les pièces mécaniques et à Castres pour l'électronique. "Nous ne sommes pas qu'un bureau d'études, notre objectif est de créer une véritable chaîne de production industrielle", précisent les deux entrepreneurs, qui ont ont également mis au point une gouvernance collégiale.

"Sans être à 100 % dans l'entreprise libérée, chaque décision est prise par des mini-comités de pilotage, nous discutons aussi tous ensemble des salaires. Nous ne faisons pas cela pour le côté cool, nous sommes persuadés que si les membres de l'équipe sont plus impliqués, cela a un impact positif pour tout le monde", avance Aymeric Barthes.

Une recette gagnante puisque l'entreprise n'a connu aucun départ depuis sa création. La principale difficulté pour les jeunes chefs d'entreprise a été d'apprendre à manager des équipes sur le tas. Pour Gaëtan Séverac, "gérer une équipe ce n'est pas inné, il s'agit d'un véritable apprentissage. Il existe des livres, des consultants et pas de formule unique qu'on peut appliquer partout, il faut se fabriquer sa propre méthode." Après avoir levé 3 millions d'euros en janvier dernier, les deux entrepreneurs visent une nouvelle opération de 10 millions d'euros.

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