Fram : comment Alain de Mendonça veut moderniser le tour-opérateur toulousain

Fram lance ce jeudi une vaste campagne publicitaire, la première depuis le dépôt de bilan de la société à l'automne dernier. La marque toulousaine a été reprise par le groupe Karavel, qui s'est donné deux ans pour effacer les 20 millions d'euros de pertes de l'an dernier. Comment Alain de Mendonça, le président du groupe Karavel, va-t-il redresser les comptes ? Entre modernisation de l'offre, virage numérique, baisse des prix et mutualisation des services, le patron du groupe dévoile sa stratégie. Entretien.
Alain de Mendonça est le président du groupe Karavel

Le groupe Karavel a repris Fram le 25 novembre dernier. Quels sont les premiers chantiers que vous avez engagés pour redynamiser l'offre du tour-opérateur ?

Nous avons travaillé sur une campagne de publicité à la télévision qui démarre ce jeudi (et dotée de plusieurs millions d'euros). Nous avons axé ce spot sur un ton humoristique, léger. Il faut dépoussiérer cette marque qui a une identité assez ancienne. Il est indispensable d'avoir des codes de communication plus universels. Nous devons toucher les familles mais aussi des populations plus jeunes. La marque dispose d'un capital affectif très fort, beaucoup plus que Thomas Cook par exemple. Il faut qu'on modernise ce capital affectif.

L'un des points faibles de Fram est sa présence numérique. Actuellement, 90 % des produits sont distribués via des agences de voyages classiques. Comment comptez-vous inverser la tendance ?

Fram est une société qui a eu un parcours fantastique pendant 50 ans et qui a manqué ensuite différents virages : numériques et économiques. Nous sommes en train de réaliser une refonte complète de nos deux sites internet. La version beta du site grand public est en ligne depuis la semaine dernière et, d'ici fin juin, un nouveau site dédié aux professionnels sera lancé. Nous avons pu nous appuyer sur ce qui a déjà été fait au sein de Karavel, qui dispose d'une équipe informatique d'une centaine de personnes et des équipes à Toulouse qui connaissent la marque. Jusqu'ici, la plateforme se basait sur des technologies datant d'une quinzaine d'années, elle était extrêmement désuète.

Comment les offres vont-elles évoluer ?

Il n'est plus possible aujourd'hui de raisonner "à la papa" avec des avions charters d'un côté et les hôtels (Clubs Framissima) de l'autre. Pour le client, voyager avec Easyjet ou Air France n'a pas d'importance, il faut lui donner accès à toutes les promotions tarifaires sur le marché à l'image des prix cassés pratiqués par les compagnies low cost.

Vous comptez également baisser les prix des offres Fram ?

Oui, les prix doivent baisser. L'objectif est d'atteindre - 5 à - 15 % en 2017. En termes de prix, Fram était sorti du marché. Nous allons garder le positionnement de Fram, beaucoup plus haut de gamme que Promovacances (marque petit prix du groupe Karavel), pour placer la marque en milieu de gamme.

Fram a été affaibli par les printemps arabes au Maghreb. Quelles destinations allez-vous privilégier ?

L'offre se répartit vers des zones davantage prisées des Français : l'Espagne, la Grèce, la Crête, l'Italie, la Sardaigne, la Sicile, la Croatie, la Turquie. Cette année, si aucun client ne veut aller en Tunisie, nous n'aurons aucune offre sur ce pays l'an prochain. Il s'agit d'une offre dynamique avec une culture de distribution pratiquée chez Promovacances, à l'opposé de la logique historique du tour-opérateur.

Pour les longs courriers, nous tablons sur la République Dominicaine et le Mexique pour l'hiver prochain. Des clubs Framissima vont ouvrir également dans ces pays en 2017.

Il est question également de vendre le plateau d'affaires (Fram Affaires). Les Toulousains CTA Events et Jean-Pierre Mas, président du Syndicat des agents de voyages (Snav), font partie des repreneurs pressenties. Où en sont les négociations ?

Est-ce que nous allons le vendre ou non ? La question reste d'actualité. Dans le plan stratégique, nous avions prévu de nous en séparer. Mais le plateau d'affaires est une activité qui ne perd pas d'argent. Nous avons reçu une dizaine de coups de fils d'entrepreneurs intéressés, Jean-Pierre Mas en faisait partie. Quoi qu'il en soit, nous ne vendrons que si nous trouvons des partenaires intéressants pour le faire.

Les filiales à l'étranger, qui représentaient 650 salariés, ne font pas partie de l'offre de reprise. Depuis l'automne, plusieurs hôtels de Fram ont été cédés à la concurrence. Pourquoi ce choix ?

Les filiales à l'étranger représentaient beaucoup d'argent pour finalement peu de clients. Avoir 60 bus au Maroc, un pays qui croît au ralenti, c'était une très mauvaise décision financière de l'ancienne direction. Cela nécessite de maintenir des actifs financiers lourds dans des pays qui ne connaissent pas de croissance touristique. Nous avons décidé de ne pas les reprendre car Karavel a toujours eu une gestion de très bon père de famille, une culture ascétique. C'est la raison pour laquelle la société a toujours gagné de l'argent. Nous sommes très soucieux de conserver les activités rentables, de ne pas s'embarquer dans la construction d'hôtels dans des pays à risque à l'image des 70 salariés qui travaillaient au Maroc.

Ensuite, au niveau des hôtels, la concurrence est permanente, c'est le flux des affaires. Si on a perdu des hôtels, c'est que, foncièrement, ce n'était pas des bons deals. Fram doit avoir des relations commerciales plus musclées avec les hôtels.

En rachetant Fram, Karavel est devenu le premier tour-opérateur français. Quelle est la valeur ajoutée de ce rapprochement ?

Karavel est surtout le dernier groupe franco-français qui reste dans l'industrie touristique. Au cours des dernières années, tout le monde est tombé sur le champ de bataille : le Club Med est désormais détenu par des Chinois, Thomas Cook et TUI (qui détient Nouvelles Frontières) sont des groupes allemands, Expédia est une société américaine...

Service par service, nous avons mis en place une grille de mutualisation. Les équipes d'achats seront mutualisées pour négocier ensemble les tarifs avec les hôteliers et les compagnies aériennes. Au niveau des programmes de fidélisation et des newsletters, là aussi, une mise en commun est à l'œuvre. Chez Karavel, nous n'avons pas de clubs hôteliers et, à ce niveau, c'est plutôt Fram qui va aider les autres marques du groupe.

Fram a déposé le bilan après avoir accumulé de lourdes dettes. Comment allez-vous redresser les comptes ?

La société a perdu 20 millions d'euros l'année dernière. L'objectif est de retrouver l'équilibre financier d'ici deux ans et de réduire les pertes à hauteur de 12 millions d'euros dès fin 2016. Fram a réalisé 300 millions d'euros de chiffre d'affaires l'an dernier, nous nous attendons à un repli pour cette année mais avec une reprise progressive de l'activité.

Vous avez choisi Isabelle Cordier (ex-Carrefour Voyages) comme directrice générale. Pourquoi ?

Je suis content déjà d'avoir une femme à un poste de direction. Elle a démarré comme agent de comptoir et elle est montée ensuite dans la hiérarchie. J'ai été séduit par ce parcours, je n'aime pas les personnes tout juste sorties de l'Ena ou Polytechnique. Elle est dans la force de l'âge, donc elle a à la fois beaucoup d'énergie et d'expérience.

Actuellement, les 300 salariés toulousains sont répartis entre trois sites (deux dans le centre-ville et un à Cornebarrieu). Envisagez-vous un regroupement des effectifs ?

Une société de cette taille dispersée sur trois sites, ce n'est pas tenable. Le déménagement est programmé pour septembre, plusieurs lieux sont toujours à l'étude.

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