Trophées de l'aéronautique : les nouvelles relations donneurs d'ordre/sous-traitants au cœur des débats

La première édition des Trophées de l'aéronautique s'est déroulée hier soir 14 novembre à la Cité de l'espace, à Toulouse, à l'initiative d'Objectif News et de La Tribune. L'occasion pour les donneurs d'ordre et les sous-traitants du secteur aéronautique régional de débattre sur les liens qui les unissent. Entre collaboration, dépendance, incompréhension et recherche d'un nouvel équilibre partenarial.
Donneurs d'ordre et sous-traitants réunis pour évoquer l'évolution de leurs relations

La Cité de l'espace, à Toulouse, a accueilli hier soir plus de 300 décideurs politiques et économiques, à l'occasion de la première édition des Trophées de l'aéronautique, organisée par Objectif News en partenariat avec La Tribune. Cet événement, qui a fait l'ouverture du festival aérospatial Des Étoiles et des Ailes, a permis de récompenser sept sous-traitants régionaux du secteur aéronautique (lire notre article). Une remise de prix qui a été précédée d'une table-ronde sur le thème : "Des avions, des PME et des hommes : comment faire durer le rêve midi-pyrénéen ?"

La fin d'une relation dominant/dominé ?

Le débat a permis de confronter les points de vue de sous-traitants, mais aussi de donneurs d'ordre, sur les nouvelles réalités vécues par la supply chain aéronautique dans la région. En effet, comme le souligne Jean-Christophe Tortora, président du Groupe Hima et président de la Tribune, "depuis quelques années, les relations entre les PME, les ETI et les grands donneurs d'ordre ont beaucoup évolué".

Dans un contexte de croissance pour l'industrie aéronautique - la flotte mondiale d'avions devrait "plus que doubler dans les vingt ans à venir", comme le souligne Michel Cabirol, rédacteur en chef entreprises de La Tribune - nombreux sont les sous-traitants régionaux à souhaiter, justement, ne plus être considérés comme de simples sous-traitants. "Il faut désormais que les donneurs d'ordre traitent les membres de leur supply chain comme des partenaires", lance Marc Alaux, directeur général de la société Cauquil, spécialisée dans l'usinage de précision. Et d'ajouter : "Il faut mettre un terme à la relation dominant/dominé. Il faut respecter les gens qui sont en dessous. "

"Le système pyramidal est dépassé"

Un vœu qui semble déjà trouver un certain écho sur le terrain. "Les gros donneurs d'ordre ont pris conscience qu'il fallait que nous travaillions tous ensemble", se réjouit Marc Alaux. L'homme note cependant une réelle différence de points de vue entre la direction des grands groupes, manifestement concernée par la question, et les acheteurs, qui, eux, "ne sont pas toujours conscients de ce partenariat".

Le combat pour un dialogue plus égalitaire a été marqué en 2013 par la rédaction d'un manifeste, baptisé "Agilité et confiance dans la filière aéronautique", incarné par René Rouillé, fondateur d'Hommes et Développement. "Je pense qu'aujourd'hui, le système pyramidal tel que nous l'avons connu jusqu'à présent est dépassé, voire caduc, estime-t-il. Il faut désormais inventer un nouveau modèle de synergie locale. La supply chain vit une période de mutation, qui crée une insatisfaction des deux côtés, avec des incompréhensions. Pour moi, il n'y a qu'un levier : la confiance entre les hommes, et les indicateurs permettant d'en mesurer les progrès".

Consolider les partenaires de rang 1

Du côté des grands donneurs d'ordre, on confirme s'être saisi du problème. "Nous sommes face à une problématique de mutation, estime Didier Katzenmayer, directeur aux affaires industrielles d'Airbus Opérations. La supply chain est un réel enjeu pour l'ensemble de la filière. Les patrons d'entreprises ont un travail fort à mener dans la relation donneurs d'ordre/fournisseurs. Toute la chaîne doit être valorisée."

Pour Agnès Paillard, présidente d'Aerospace Valley, "nous sommes parfois dans une relation de défiance. Il y a peut-être une autre manière de faire, en faisant en sorte que chacun s'approprie à son niveau la responsabilité qu'il a sur la finalité globale. " Gérard Soula, chef de la cellule aérospatiale à la Direccte Midi-Pyrénées, ne dit pas autre chose : "Il est important que dans la pyramide, les sous-traitants deviennent des partenaires industriels". Mais pour cela, le représentant de l'État appelle de ses vœux une consolidation des entreprises de rang 1. "Il faut qu'elles se structurent, par croissance externe ou par rapprochement, insiste-t-il. Lorsque nous aurons consolidé ce noyau dur, nous aurons aussi sécurisé toutes les petites entreprises de rang 2 et de rang 3."

Objectif 2030 : 10 ETI de plus d'un milliard d'euros

Devenir une ETI, c'est tout l'objectif de Thierry Camerin, président du Groupe ATG. La holding de Sotip, sous-traitant de rang 1 spécialisé dans la tôlerie fine de précision, a repris en 2012 l'entreprise Industron Europe. "Ce rachat, qui nous permet de passer de 10 à 20 M€ de chiffre d'affaires, vise à pérenniser notre entreprise dans le temps, explique le chef d'entreprise. Pour cela, il nous a fallu ouvrir notre capital."

Une opération soutenue par le fond sectoriel Aerofund III, auquel abonde, justement, Airbus. "Notre intervention au titre du groupe dans Aerofund III est de 60 M€, confirme Didier Katzenmayer. Nous le faisons car c'est dans notre intérêt. Nous sommes là pour structurer notre filière." Pour Agnès Paillard, le secteur aéronautique régional vit en ce moment "la décennie du siècle. Tout le monde nous envie et nous regarde. Si nous devons préparer l'avenir, c'est maintenant qu'il faut le faire." L'ambition de Patrick Piedrafita, président d'Airbus Opérations, pour 2030? "Qu'il existe dix ETI aéronautiques de plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires en France et qu'elles contribuent au renforcement de la filière".

Alexandre Léoty

© photo Rémi Benoit

En savoir plus :

Airbus, qui compte 59.000 salariés dans le monde, dont 20.000 à Toulouse, a enregistré un chiffre d'affaires de 38,5 milliards d'euros en 2012. Avec 53 % de parts de marché face à Boeing, l'avionneur européen dispose d'un carnet de commande de 5.393 appareils, ce qui équivaut à plus de huit ans de production.

Le manifeste "Agilité et confiance dans la filière aéronautique" a été signé par Airbus, mais aussi par des ETI et PME de rang 1 - comme Aérolia, ACJC, Liebherr Aerospace, Sogeclair - et des PME de rang 2 comme Cauquil et Freyssinet Aero. Le Medef, l'UIMM, Tompasse et Aerospace Valley sont également signataires.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.